Triste fin : Aziz est devenu blogueur mauritanien...
La chute continue, jusqu’où ira-t-elle ? Voilà Aziz devenu blogueur ! Peut-être se dit-il qu’Erdogan a réussi à revenir au pouvoir grâce à son smartphone. Aziz aura réussi au moins une chose, c’est qu’il inspire désormais pitié à beaucoup de mauritaniens tant ce qui lui arrive est terrible car c’est assez proche d’une forme de folie quand on ne se rend plus compte de l’image qu’on donne et qu’on se retrouve enfermé dans une dynamique de combat déconnectée de la réalité.
On dit que chez nous sitôt que vous quittez le pouvoir vous n’êtes plus rien, seul compte celui qui est assis à la présidence. C’est faux. On a vu avec Sidioca que quelqu’un pouvait être élu président et déposé sitôt qu’il s’est cru chef des armées capable de limoger des chefs militaires.
Si Aziz avait ses hommes à la tête de l’armée, il aurait pu quitter le pouvoir et revenir mais ce qui s’est passé prouve que depuis longtemps il ne contrôlait plus l’armée. C’est classique qu’un numéro 2, en l'occurrence Ghazouani, prenne la place d’un numéro un. Si Ghazouani a pu faire ce coup d’Etat démocratique c’est-à-dire prendre le pouvoir à quelqu’un qui avait les pleins pouvoirs, c’est parce qu’Aziz n’a pas vu Ghazouani venir.
Cela veut dire qu’Aziz ne connaissait pas le profil psychologique de son ami de 40 ans. C’est cela qui est incroyable. Aziz a laissé Ghazouani pendant des années placer ses hommes pendant qu’Aziz voyageait ici et là sans jamais se douter de ce qui allait arriver. Ghazouani l’a berné de bout en bout jusqu’à avoir fait mine d’être pour le 3ème mandat et refuser l’idée d’être candidat à la présidence. Cela fait partie du mythe d’un Ghazouani désintéressé face au pouvoir comme s'il eût préféré aller s’ennuyer à la retraite.
Ainsi, en campagne présidentielle, Ghazouani a avalé mille couleuvres face à un Aziz qui ne lui a épargné aucun coup bas même les fonds de campagne ont été séquestrés par Aziz et Ghazouani a dû faire campagne en faisant l’éloge intempestif d’Aziz sans oublier la 1ère dame. Aziz s’invitait à ses meetings pour bien montrer que Ghazouani n’était qu’un numéro 2 sans dimension à qui il offrait le fauteuil présidentiel le temps de jouer au démocrate qui quitte le pouvoir en respectant la constitution pour mieux y revenir.
Après 40 ans de compagnonnage, Aziz ne pensait pas que Ghazouani pourrait être président pour la simple raison qu’ils sont totalement opposés dans leur rapport au commandement. Vu la façon autoritaire de gouverner d’Aziz, qui pensait que c’est la seule efficace en Mauritanie, Aziz se disait que Ghazouani, vu son profil psychologique maraboutique, serait inapte à gouverner et aujourd’hui encore si Aziz s’agite c’est qu’il croit qu’il va se passer quelque chose.
Si Aziz ne connaît pas Ghazouani, qui le connaît ?
On veut nous faire croire que Ghazouani serait une sorte de président absent, contrairement à Aziz le chef suprême né pour commander.
Si Ghazouani est ce président effacé et absent, qui gouverne ce pays ? Peut-on croire que le pays soit gouverné avec quelques amis s’étant débarrassés d’Aziz ? Si c’est vrai alors cela ne sera pas stable longtemps. Personnellement je n'y crois pas car c’est impossible dans un pays où tout, de l’armée à l’administration, est formaté pour obéir à un chef. Les mauritaniens sont tous des tyrans en puissance, s'il n'y avait pas de chef tout exploserait.
Il y a bien un chef mais un chef qui préfère agir dans l'ombre sans être deviné. De là un gouvernement fantôme mais une administration aux ordres. Il s'impose dans l'esprit de tous petit à petit au fur et à mesure qu'Aziz détruit lui-même son image de chef et même d'être raisonnable.
Aziz n’a pas compris Ghazouani car Aziz est extraverti, vit et agit à la lumière, démarre au quart de tour et se plaît à se faire des ennemis ; en clair, c'est un être parfaitement prévisible quand Ghazouani est tout le contraire, introverti avec une capacité redoutable à encaisser les coups sans broncher, se réservant le pouvoir de décider quand et comment réagir.
Qui est Ghazouani ?
Quand on regarde les nominations depuis son élection, on remarque que quasiment tous les grands opposants à Aziz ont eu droit à des postes importants pour eux ou leurs hommes de paille. Les observateurs se disent que c’est pour blesser Aziz et apaiser la scène politique comme si le pouvoir militaire avait quelque chose à craindre de la scène politique civile. En vérité c’est juste la ruse de Ghazouani qui s'offre le pressing politique et en sort blanc comme neige après 12 ans numéro 2 du régime d’Aziz. L'impuissance d'Aziz aujourd'hui prouve qu'il n'était rien sans le pouvoir qui aujourd'hui lui tourne le dos : les responsabilités sont donc fatalement à partager.
Et pendant que les opposants à Aziz sont gâtés, l’UPR ne peut pas broncher. Là-bas on avale des couleuvres mais on ne peut rien dire car les civils comptent pour du beurre.
De même à propos de Mauritanie plurielle : là où Aziz a marginalisé les hartine, Ghazouani a joué sur les symboles : voilà un PM hartani, voilà un Merzoug ministre de l’intérieur mais avec quel pouvoir ? Rien ou presque. Qu’on nous cite un seul hartani ayant le moindre pouvoir politique, économique ou militaire : Rien de neuf sauf les symboles plus ou moins creux.
Birame, qui est une créature d’Aziz qui a divisé les maures, entre à la présidence comme un partenaire de Ghazouani. Rien de neuf depuis Aziz sauf que le partenariat est officiel.
Sous Aziz les PM et les ministres avaient un pouvoir, aujourd’hui ni un ministre des finances ni un PM ne peut libérer une attestation de non imposition à la TVA bloquée à la DGI par une dame qui sait qui a le vrai pouvoir en Mauritanie.
Sous Aziz, il y avait une opposition, aujourd’hui sous prétexte que Ghazouani règle son compte à son ami d’hier, c’est la lune de miel mais en réalité en quoi quelque chose a changé sinon que tout a été anesthésié ; ce qui prouve les motivations inavouables des opposants.
Qui est Ghazouani ?
Il n’est pas cet être endormi et manipulable par les lobbies mauritaniens. C’est faux, il laisse faire pour l'instant car il faut d'abord être accepté comme chef ensuite on verra... C’est le chef de l’Etat, un chef tout puissant mais d’une manière opposée à celle d’Aziz.
Est-il pour la Mauritanie plurielle ? Au niveau symbolique, il le montre mais au niveau de l’exercice réel du pouvoir, on n’a rien vu mais c’est mieux que rien.
Quel est son rapport à l'histoire coloniale et aux francophones mauritaniens ? Qui peut dire franchement ce qu’il pense quand on voit la violence psychologique avec laquelle l’ex PM Ould Cheikh Sidiya a été viré au bout d'un an pour mettre à la place son sympathique conseiller qui depuis fait de la figuration ? En plus Ghazouani a mis entre lui et la société civile un tout puissant directeur de cabinet autoritaire, strictement arabophone qui ne fait pas mystère de son révisionnisme et très peu ami des mauritaniens francophones.
Qui est Ghazouani ?
Ceux qui le connaissent peuvent le dire, personnellement à la lumière de mon aventure avec son plus proche entourage, je ne sais plus qui est Ghazouani et je crains qu’il ne soit pas celui que j’ai soutenu sinon comment expliquer qu’il ait laissé son plus proche entourage me promener en son nom pendant 10 mois au risque de salir l’image que j’ai de lui ?
Quel est son rapport à la modernité ? La plupart des « jeunes « quarantenaires influents dans leur univers qui ont fait campagne pour lui ont été marginalisés car trop modernes pour la société conservatrice incarnée par son directeur de cabinet et quand on nomme un jeune dans une nouvelle agence, on le coiffe en lui imposant un ancien.
Tout ça pour dire que Ghazouani n’est pas cet être impuissant et absent qu’on nous présente. Loin de là. Il est vrai qu'il délègue les soucis du pouvoir et il aime la tranquillité mais il dirige le pays comme un maître au jeu d’échecs qui joue plusieurs parties en même temps ; se déplaçant d’une table à l’autre ce qui donne l’impression que les joueurs jouent seuls.
De plus, il dirige la Mauritanie en fonction des forces en présence et la majorité de ces forces sont rétrogrades dans une Mauritanie où sévissent le racisme blanc et noir et le communautarisme explosif après des années de conditionnement politique.
Je pense, jusqu'à la preuve du contraire, que Ghazouani est un conservateur qui va régner d’une main de fer pour l'instant invisible.
Ses ennemis auront toujours un coup de retard car pour s’opposer à quelqu’un, encore faut-il le connaître…
Ahmed Ould Soueid Ahmed