L’Autorité de régulation de Mauritanie (ARE) a récemment révélé avoir adressé des mises en demeure aux opérateurs télécoms Chinguitel, Mauritel et Mattel, suite à des manquements aux engagements de qualité prévus dans les cahiers des charges de chaque opérateur. Ce n’est pas la première fois que le gendarme des télécoms tape du poing sur la table. Malgré une succession de sanctions financières et administratives ces dernières années, la qualité des services voix et data reste en deçà des attentes.
Cette mise en demeure fait suite à une mission de contrôle menée par le régulateur du 7 juillet au 23 août, qui a mis en évidence des manquements dans 62 villes, localités et 11 axes routiers. Mattel a été épinglée pour des défaillances dans 24 villes sur la voix, 15 sur la data 3G, 22 sur la 4G et 9 axes routiers. Mauritel a enregistré des insuffisances dans 24 villes pour la voix, 30 pour la 3G, 29 pour la 4G et 8 axes routiers. Chinguitel a été pointée du doigt dans 28 villes pour la voix, 39 pour la 3G, 22 pour la 4G et 10 axes routiers.
« En conséquence, l’Autorité de régulation a invité les opérateurs Mattel, Mauritel et Chinguitel à se conformer à leurs engagements en termes de qualité des services voix et data dans les villes, localités et axes routiers où les manquements sont constatés, et ce dans un délai de trente (30) jours calendaires à compter de la date de réception des lettres de mises en demeure qui leur ont été adressées », a déclaré l’ARE dans un communiqué publié le vendredi 12 septembre.
Pourtant, le 19 janvier, le régulateur avait déjà mis Chinguitel en demeure pour ne pas avoir assuré la disponibilité permanente, continue et régulière de ses services. Selon la plateforme de contrôle continu de l’ARE, entre le 1er et le 14 janvier, 162 sites de l’opérateur étaient hors service pendant une durée cumulée dépassant 72 heures, le seuil maximal prévu par la loi. L’opérateur disposait de sept jours pour corriger ces manquements sous peine d’application des sanctions. Toutefois, aucune mise à jour publique n’a été publiée pour indiquer si les corrections ont été effectuées ou si les actions prévues ont été appliquées.
En novembre 2024, le régulateur télécoms avait déjà infligé des sanctions à tous les trois opérateurs pour manquements à leurs obligations de qualité de service. Mauritel a écopé d’une sanction financière de 313,2 millions d’ouguiyas (7,8 millions USD) et d’une réduction d’un mois de la durée de sa licence 2G en cours. Mattel s’est vue infliger une sanction financière de 127,03 millions d’ouguiyas, suivie d’une réduction de deux mois de la durée de sa licence 2G. Chinguitel, quant à elle, devra verser 100,2 millions d’ouguiyas au Trésor public. Les durées de ses licences 2G, 3G et 4G ont également été réduites de trois, un et deux mois respectivement.
En septembre 2024, le régulateur avait déjà menacé les opérateurs de ces sanctions. En réponse, Mattel a annoncé en octobre l’achèvement d’une campagne d’extension de son réseau télécoms engagée il y a deux ans. Le projet a été réalisé en deux phases. La première, achevée en novembre 2023, s’est concentrée sur le renforcement du réseau dans 266 sites. La seconde, finalisée en septembre 2024, a permis d’étendre le réseau à 217 sites supplémentaires, ce qui a permis de couvrir toutes les capitales régionales et les districts du pays. En outre, Mattel a renforcé la couverture de cinq axes routiers majeurs en Mauritanie.
Quelques jours plus tard, Moov a annoncé avoir engagé un programme d’investissement de 14 milliards d’anciens ouguiyas (35,2 millions USD) pour renforcer son infrastructure télécoms. D’une durée de sept mois, l’initiative vise une nette amélioration de la qualité voix et Internet sur l’ensemble du territoire national.
L’ARE attend que les sanctions pécuniaires et administratives infligées aux opérateurs télécoms les incitent « à assurer en permanence aux utilisateurs du service, des niveaux de qualité conformes aux standards internationaux », conformément à leurs engagements contractuels. Mais l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) estime que ce n’est pas toujours le cas. L’organisation juge que certains objectifs fixés par les régulateurs peuvent être trop complexes ou irréalistes, avec de nombreux indicateurs difficiles à mesurer, ce qui peut freiner les investissements à long terme.
Pour pallier ces limites, la GSMA recommande la corégulation, où les objectifs de performance sont fixés de manière transparente et équitable, publiés régulièrement, et permettent aux consommateurs de suivre l’évolution de la qualité de service tout en offrant un avantage concurrentiel aux opérateurs performants.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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