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Pour les Rohingyas, "plutôt mourir" que retourner en Birmanie

Vendredi 15 Décembre 2017 - 10:19

La maladie, la faim et la misère absolue règnent sur les gigantesques camps rohingyas du sud du Bangladesh. Pourtant, peu de réfugiés envisagent d'effectuer le chemin inverse et retourner en Birmanie voisine.

L'accord de rapatriement de réfugiés, signé par les gouvernements bangladais et birman le mois dernier, est vu avec circonspection par les organisations internationales et la communauté rohingya. Sa mise en œuvre ainsi que le contexte dans la région des troubles posent question.

"Ils passent des accords, mais ils ne les respecteront pas", affirme Mohammad Syed, un réfugié rohingya. "Lorsque nous reviendrons, ils nous tortureront et nous tueront à nouveau."

De telles craintes ne sont pas sans fondement. Plus de 655.000 musulmans rohingyas de Birmanie sont passés au Bangladesh depuis fin août pour échapper à ce que l'ONU considère comme une épuration ethnique menée par l'armée.

Rien qu'entre fin août et fin septembre, au moins 6.700 Rohingyas ont été tués par les militaires birmans, selon une estimation a minima publiée jeudi par Médecins Sans Frontières (MSF). L'ONG estime que le bilan réel pourrait être encore plus lourd.

Les récits de massacres, de viols collectifs et d'incendie de villages colportés par les réfugiés s'apparentent même à des "éléments de génocide", a déclaré au début du mois Zeid Ra'ad Al Hussein, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme.

L'accord de rapatriement "est un piège. Ils nous ont donné des garanties similaires par le passé et ont malgré tout fait de nos vies un enfer", dit Dolu, une réfugiée.

Malgré la précarité des camps de la région de Cox's Bazar, "je préférerais vivre ici. Nous avons de la nourriture et un abri ici, et nous pouvons prier librement. Nous sommes autorisés à vivre", ajoute-t-elle.

- 'Ils me manqueront' -

La région de l'État Rakhine qu'ont fui les réfugiés, dans l'ouest de la Birmanie, a un lourd passif de violences.

Considérés comme des étrangers dans un pays à 90% bouddhiste, les Rohingyas y sont ostracisés. Victimes de discriminations, ils n'ont pas de papiers d'identité et n'ont accès ni au marché du travail ni aux services publics.

Par trois fois en quarante ans, les Rohingyas ont fui en masse au Bangladesh (1978, 1991-1992, 2016-2017) même si les vagues précédentes n'atteignaient pas les proportions considérables de l'exode actuel. Des programmes de rapatriement se sont tenus par le passé mais sans pour autant que cesse le cycle de violences.

Les Rohingyas qui restent au Rakhine sont toujours soumis à d'importantes restrictions. Depuis des troubles en 2012, près de 100.000 d'entre eux sont parqués dans des camps dans le centre de la région.

Des organisations humanitaires ont averti qu'elles boycotteraient tout nouveau camp pour les Rohingyas en Birmanie. Elles estiment que les réfugiés ont le droit de revenir dans leurs foyers (souvent détruits) et ne doivent pas être forcés à vivre dans des conditions de ghetto.

Les Birmans "doivent nous reconnaître comme des citoyens du pays. Ils doivent nous donner de véritables cartes d'identité de Rohingyas. Alors seulement nous rentrerons", explique Aziz Khan, 25 ans, dans le camp de Kutupalong.

"Autrement, plutôt mourir ici au Bangladesh."

Le geste humanitaire de Dacca, qui a ouvert ses frontières à la marée humaine de rohingyas, a été salué par la communauté internationale.

Mais pour le gouvernement bangladais, ces réfugiés ne sont que des hôtes temporaires qui ont vocation à retourner en Birmanie. Les autorités refusent que les camps de tentes se développent suffisamment pour devenir habitables sur le long terme - bien que dans la pratique, certains réfugiés y restent des décennies.

Cette crise humanitaire a mis une pression énorme sur les Bangladais de la région de Cox's Bazar, qui ont vu les prix des denrées de base s'envoler.

L'accord de retour "est une bonne nouvelle, au revoir à eux. Il est temps qu'ils retournent à d'où ils viennent", dit Ehsaan Hossain, un commerçant de Cox's Bazar.

Conducteur de rickshaw, Mohammad Ali craint cependant de voir ses revenus, qui ont doublé avec l'arrivée des réfugiés, retomber en cas de départs en masse.

"D'une certaine manière, ils me manqueront s'ils partent", déclare-t-il.



(©AFP / 15 décembre 2017 11h21) 
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