Les Mauritaniens ont suivi ce mercredi le verdict du « dossier de la décennie », la Chambre criminelle pénale de la Cour d’appel de Nouakchott ayant rendu ses arrêts contre l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et un certain nombre d’anciens responsables, dans l’un des procès les plus controversés de l’histoire du pays.
Les jugements sont l’aboutissement d’un processus judiciaire de plusieurs années qui a commencé par une enquête parlementaire à la fin de 2019, et qui est passé par de multiples étapes d’enquête préliminaire et de responsabilité judiciaire, avant que le dossier ne soit soumis au tribunal pénal spécialisé dans les affaires de corruption, et plus tard en appel à la Cour d’appel.
Pourquoi autant de controverses ?
Le « dossier de la décennie » est le nom donné par les médias à la série d’enquêtes judiciaires menées contre l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et un certain nombre de hauts fonctionnaires pendant son pouvoir (2009-2019).
L’affaire a commencé après que 24 parlementaires aient demandé en décembre 2019 la formation d’une commission d’enquête parlementaire pour examiner les soupçons de corruption qui ont entaché dix années de gestion de l’État, en particulier dans des dossiers économiques tels que les transactions énergétiques, les ports, l’immobilier et la gestion des ressources publiques.
Evolution du dossier
En février 2020, le parlement a approuvé la création d’une commission d’enquête parlementaire, qui a commencé à convoquer un certain nombre de ministres et de fonctionnaires, avant d’adresser en juillet 2020 une convocation à l’ancien président, qui a refusé de se présenter devant elle.
Par la suite, le 29 juillet 2020, le Parlement a approuvé une recommandation visant à transmettre le dossier au ministère de la Justice, qui l’a lui-même transmis au parquet général.
En août 2020, la police des crimes économiques a ouvert une enquête préliminaire et convoquée Ould Abdel Aziz à plusieurs reprises, mais ce dernier a refusé de signer les rapports, invoquant son « immunité constitutionnelle ».
Début du procès et les chefs d’accusation
En mars 2021, le juge d’instruction a inculpé l’ancien président et une dizaine d’autres fonctionnaires pour des faits de corruption et a ordonné leur mise sous surveillance judiciaire.
En juin 2021, Ould Abdel Aziz est envoyé en prison après avoir violé les mesures du contrôle judiciaire auquel il avait été soumis.
Le procès proprement dit s’est ouvert en janvier 2023, avec des accusations centrées sur l’abus d’influence, l’enrichissement illicite et le blanchiment d’argent.
En octobre 2023, l’accusation a requis 20 ans de prison et la confiscation de ses biens, ainsi que des sanctions à l’encontre de plusieurs anciens ministres.
La décision du tribunal dans cette affaire
En décembre 2023, le tribunal pénal spécialisé dans les affaires de corruption a condamné Mohamed Ould Abdel Aziz à cinq ans de prison et lui a confisqué ses droits civiques et ses biens.
En revanche, le tribunal a acquitté un certain nombre d’anciens ministres, dont Yahya Ould Hademine et Mohamed Salem Ould Bachir, et a ordonné la levée de la saisie de leurs biens.
D’autres jugements ont été rendus, notamment l’emprisonnement d’Ahmed Salem Ould Ibrahim Fall (ancien directeur de la société nationale d’électricité) pour deux ans et six mois et la confiscation de ses biens, ainsi que l’imposition d’amendes à d’autres personnes.
Le procès est-il terminé ?
Mercredi, la Chambre criminelle de la Cour d’appel a rendu son arrêt dans le « dossier de la décennie » en condamnant l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz à 15 ans de prison, tandis que Mohamed Salem Ould Ibrahim Fall, surnommé « El Merkhi », et le gendre de l’ancien président, Mohamed Ould Msabou, ont été condamnés à deux ans de prison chacun.
La Cour a également acquitté Mohamed Ould Daf de toutes les charges liées au dossier.
Au cours de la même séance, le tribunal a décidé de dissoudre l’organisation Errahma, fondée par le défunt fils du président, Ahmed Ould Abdel Aziz, et a ordonné la confiscation de ses biens.
Le procès a ainsi atteint sa phase finale, avec le jugement définitif des affaires contre les personnes impliquées.
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