La désillusion face aux élites par El Wely Sidi Heiba

Les Mauritaniens ont longtemps placé leurs espoirs dans les élites – dirigeants politiques, figures intellectuelles, hauts responsables – les investissant de la mission de porter le changement et répondre aux défis collectifs. Mais cette confiance s'est heurtée à une réalité amère : promesses non tenues, intérêts personnels masqués, et une déconnexion croissante du terrain.

Peu à peu, la déception s'est mûe en désillusion. Une distance, teintée de défiance, s'est installée. Beaucoup ont cessé de croire en cette élite, préférant le repli sur soi au risque d'une nouvelle déception. Résultat : un sentiment d'impuissance se diffuse, l'idée même de changement semble hors de portée, et les institutions voient leur légitimité s'éroder.

Pourquoi ce fossé s'est-il creusé ? Parce que de nombreuses élites évoluent dans des écosystèmes fermés, où les logiques internes et les privilèges priment sur l'intérêt général. Leur langage, leurs priorités et leur mode de vie les rendent sourdes aux réalités concrètes. C'est surtout leur manque de cohérence flagrant entre le discours et l'action qui nourrit un profond ressentiment.

Mais faut-il pour autant sombrer dans le cynisme ? Non. Le cynisme est une prison stérile qui, sous couvert de lucidité, nous désarme. Il est temps de lui préférer une lucidité active : ne plus idéaliser ces élites ankylosées, accepter leur faillibilité structurelle, et ainsi limiter la portée émotionnelle de leurs défaillances.

L'enjeu est désormais que le peuple recentre sont énergie sur sa propre capacité d'agir. Retrouver son autonomie, valoriser le concret, c’est à dire s'engager localement, entreprendre, se former, revitaliser le lien social. Ces actions décentralisées construisent une résilience face aux échecs des macro-systèmes et composent, pierre après pierre, une véritable contre-culture du faire.

Enfin, il faut accepter que les désillusions font partie du chemin. Elles ne sont pas une fin, mais une étape nécessaire. À condition de ne pas s'y enfermer, elles deviennent les moteurs d'une transformation profonde, tant personnelle que collective. La vraie force naît du constat que l'avenir ne se délègue plus, il se construit, à partir de soi-même.