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Aéroport Oum Tounsi : La poule aux œufs d’or

Jeudi 4 Décembre 2025 - 09:39

Alors que les Mauritaniens revenaient de la visite de l'aéroport international de Nouakchott (Oum Tounsi), en 2018, un projet reporté depuis des décennies, une société émiratie y dépêchait des directeurs ; tenait rencontre sur rencontre avec les responsables et négociait avec de hautes personnalités de l’État. Initialement, Afroport, une société basée aux Emirats Arabes Unis, ne voulait pas gérer le site dans son intégralité mais uniquement les services de fret aérien et l’utilisation du lieu flambant neuf en tant que plaque tournante pour la distribution internationale. Ould Abdel Aziz leur répliqua : « Non, tout l'aéroport ou rien ! » Le dernier gouvernement de l’ex-Président affirma que l'accord portait sur un quart de siècle d'exploitation et de développement de la plus importante infrastructure frontalière de l'histoire du pays : divers media et autres autorités signalèrent, pour leur part, que Nouakchott avait signé, avec la société, un mémorandum d’entente, en attendant la signature d'un accord final de gestion.

 

Journal officiel – Numéro 1451, du 15 Décembre 2019
 

Mais sept années se sont écoulées sans conclusion d’un tel contrat. Ni, en conséquence, sa moindre approbation par le Parlement, contrairement à l'usage relatif aux accords conclus entre l'État et les entreprises du secteur privé concernant des projets d'infrastructures essentiels au développement du pays… De plus, aucun document relatif à un tel accord n'a été publié au Journal officiel, si ce n’est la mention, dans le numéro 1451, d’une décision numérotée 080-2019, émise le 30 Avril 2019, octroyant, à Afroport, un terrain à bâtir d'une superficie de 58 hectares, pour un montant de 11 600 000 MRU… à condition que le site soit aménagé et sa construction achevée dans un délai maximal de 27 mois à compter de la date de l'octroi provisoire.
 

À l’examen des documents et informations concernant les transactions fiscales, ainsi que de certains détails des opérations financières de la société, on constate notamment une querelle apparue, lors de plusieurs réunions avec la Direction générale des impôts, au sujet d’une exonération fiscale. Afroport prétend en bénéficier, en vertu d'un accord avec le gouvernement. Or le seul document confirmant un tel dégrèvement est une attestation, temporaire, signée le 22 Février 2022, par le directeur général des impôts de l’époque, Mokhtar Ould  Saad, stipulant clairement que cet arrangement n'est valable que six mois, pas plus ; en l'attente de la « finalisation des procédures de ratification » de l'accord de gestion entre la Mauritanie et Afroport. Depuis cette date, l'administration fiscale refuse de délivrer à l'entreprise tout nouveau certificat d'exonération fiscale… puisque ni le Parlement ni le gouvernement n'ont ratifié un tel accord ! Par ailleurs, la date de l'attestation signée par le directeur des impôts est postérieure de plus de trois ans à la prise en charge effective de l'exploitation de l'aéroport de Nouakchott par Afroport.
 

Les dirigeants de la société avaient tenté de négocier avec le gouvernement afin de réduire les charges fiscales qui pèsent sur elle en vertu de la législation mauritanienne. La direction des impôts a rejeté cette demande, tout en autorisant Afroport à poursuivre ses activités jusqu'à la conclusion d'un accord définitif. Depuis le début des travaux préparatoires en Juillet 2018, dans le cadre d'un protocole d'accord de cinq ans renouvelable pour vingt-cinq ans, ni la société ni les autorités officielles n'ont annoncé de renouvellement de contrat ni la signature d'un accord formel permettant à Afroport de reprendre ses activités normales, entamées il y a sept ans.
 

La compagnie émiratie s'est implantée à l'aéroport de Nouakchott afin de s'établir en Afrique, notamment face à la forte concurrence que se livrent, sur le Continent, des compagnies aériennes établies telles que South African Airways, Ethiopian Airlines et Royal Air Maroc, sans oublier la présence importante de Turkish Airlines. Un haut responsable d'Emirates Airlines avait confirmé, il y a dix ans, lors d'une rencontre avec des journalistes africains, que l'Afrique était ciblée car il s'agissait de la région du monde connaissant la croissance la plus rapide. Le responsable avait déclaré : « L'Afrique est un axe-clé des Nouvelles Routes de la Soie, qui la relient à l'Asie et Dubaï sera une plaque tournante reliant ces deux continents. […] 10 % du chiffre d'affaires total d'Emirates Airlines provient du marché africain. »

 

Afroport, un héritier lointain du pilier des entreprises nationales
 

Lors de sa fondation, Afroport-Mauritanie SARL héritait de Mauritania Airlines et de la Société des Aéroports de Mauritanie (SAM), par le décret n° 105-94 du 15 Décembre 1994, avec un capital de 458 millions d'ouguiyas. Dans cette dernière société, l'État mauritanien détenait 33 % du capital, les 66 % restants étant détenus par des investisseurs privés mauritaniens, notamment le groupe MAOA et le groupe Noueygued. L'État accorda à la nouvelle société le droit d'exploiter les aéroports mauritaniens pour une durée de vingt-cinq ans – période qui s'est donc achevée en 2019, un an après l'accord avec Aéroports de Mauritanie (AAU). Le directeur nommé à la tête d'AAU en juillet 2023 était Mohamed Sultan Al-Abri.
 

L'accord signé avec AAU en Mars 2018 fut conclu dans des circonstances particulières. Il a été entouré de secret à chaque étape, avec des efforts régulièrement déployés pour le soustraire de toute médiatisation. Même le ministère de tutelle – l'Équipement et les Transport – en a été exclu, de même que les experts de la SAM et de Mauritania Airlines. Le directeur de celle-ci avait refusé, au moment de la signature de l'accord, de céder les opérations au sol à la société émiratie, tentant, par tous les moyens, de résister aux pressions. Mais il y fut finalement contraint, sous l’étreinte directe de l'ex- président Ould Abdel Aziz.

 

Un accord, mais…
 

Parmi les engagements pris par AAU envers la Mauritanie figurait le maintien en poste de tous les employés de la SAM et de Mauritania Airlines, y compris ceux en poste depuis les années 1990. La surprise fut donc de taille avec le licenciement progressif puis définitif des employés de Mauritania Airlines. Des licenciements injustifiés furent, par la suite, effectués au sein de la SAM, concernant les opérations aériennes que l'État mauritanien espérait voir exploitées par AAU pour établir un pont aérien et un hub essentiel en Afrique. À l'heure où nous écrivons ces lignes, la société n'a encore pris aucune mesure compensatrice. Ces termes sous-entendent l'ajout d'un vol ou d'une escale supplémentaire vers toute nouvelle destination, pour des raisons opérationnelles et autres raisons non expliquées. Or, malgré un engagement contractuel en ce sens, la compagnie n'a mis en service aucun nouveau vol depuis la signature de l'accord.
 

La crise interne que traverse AAU sur tous les fronts ne touche cependant pas ses revenus. Malgré des démissions, des problèmes endogènes, des déficits opérationnels et l’irrespect de plusieurs engagements, l'entreprise a connu un succès notable en ce qui concerne la valeur des revenus générés par l'aéroport – ses employés le qualifient de véritable poule aux œufs d'or – et, alors qu’il est devenu le plus important de tous les aérodromes gérés par Afroport dans le monde, la société a déjà entamé un processus de désengagement et d'abandon de certains de ses accords…

 

Ben Abdalla (avec le site Madar)

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