Pour s’exprimer à l’étranger en Français ou en arabe, Aziz lit un discours mûrement réfléchi où la diplomatie est reine et l’ennui roi. Discours écrit par ses conseillers comme c’est le cas des chefs d’état et de gouvernement en général. Mais dès qu’il s’agit de parler à son peuple dans un meeting, Aziz semble se faire plaisir. Il parle alors naturellement comme les idées lui viennent ce qui a l’avantage de la spontanéité avec pour délicate faiblesse de l’exercice, surtout en direct, de pouvoir déraper…
Qu’a-t-il dit à Néma à propos de la sexualité des h’ratines ? Il faut remettre les propos dans leur contexte : Aziz parlait de l’esclavage en Mauritanie. Il a d’abord dit une chose juste à savoir qu’aujourd’hui alors que le phénomène n’est plus celui d’hier, on accuse son pouvoir de tous les maux à ce sujet à savoir cautionner la pratique en la niant alors qu’hier personne ne parlait de ce phénomène ou presque. Aziz est persuadé qu’on se sert du discours à propos de l’esclavage pour des raisons politiques sans fondements sur le terrain.
Aziz assure que l’esclavage n’existe plus. Il dit que le phénomène existait récemment certains ayant connu leur grand-père esclave à une époque où on pouvait ligoter les esclaves et les vendre mais il assure que les esclaves n’existent plus. L’avantage de ce discours c’est que si des esclaves existent, ils ont pu entendre ses mots qui vont tourner en boucle à la TVM sauf si à l’intérieur des terres on trouve encore des esclaves éloignés de tout signe de civilisation.
Mon intime conviction, pour quelqu’un qui ne sort quasiment jamais de Nouakchott, c’est que le phénomène existe mais sa forme a changé. Peut-être qu’on ne ligote plus les esclaves comme des bêtes, peut-être qu’on ne les vend plus, cela dit il reste des populations estampillées du titre d’esclaves de telle et telle familles.
On s’étonne qu’à l’heure des vidéos disponibles sur téléphone, à l’heure des campagnes tous azimuts des militants contre l’esclavage, on n’a eu que quelques cas dénoncés par les ONG, où sont les autres esclaves ? Où sont les 150.000 esclaves ? On accuse la France d’avoir autorisé l’esclavage en Mauritanie au nom de la pacification pour ne pas mettre les maures et les noirs esclavagistes à la rue sinon ils allaient devoir travailler pour cultiver, s’occuper des bêtes. C’est une réalité historique à joindre à la décision de Napoléon de rétablir un temps l’esclavage dans les colonies après son abolition mais là encore, la France en Mauritanie a mis en place des structures pour protéger les esclaves qui prenaient la fuite.
Il faudrait que les USA qui ont écrit un rapport terrifiant sur les droits de l’homme prennent leurs responsabilités de grande puissance face à un pays du tiers-monde avec lequel ils ont d’excellents rapports : si l’esclavage existe comme le disent les américains, le rapport doit indiquer où exactement et tout faire pour libérer ces gens au lieu de pondre un rapport accablant et continuer à traiter tranquillement avec un chef d’état qui traite de mensonges tous ces rapports.
Ensuite Aziz a parlé des petits-fils d’esclaves, il a dit qu’ils vivent les séquelles de l’esclavage et l’état s’en occupe car ils naissent défavorisés par rapport aux autres. Puis il a enfin parlé du sujet qui enflamme actuellement les militants de la cause h’ratine.
Après l’esclavage, le cas particulier des premiers descendants d’esclaves, Aziz a parlé des autres ceux qui n’ont jamais connu l’esclavage à savoir les h’ratines. Il n’a pas employé le mot h’ratine car l’employer signifierait les reconnaître comme « des esclaves libérés » car c’est le sens du mot h’ratines or la majorité de ceux qu’on appelle aujourd’hui h’ratines n’ont jamais été esclaves, pourquoi les appeler h’ratines ? C’est un argument qu’il a déjà employé raison pour laquelle il a parlé dans le vague de ceux qui n’ont jamais été réduits à l’esclavage sans les nommer…
Là en parlant de la responsabilité des pères h’ratines en général, il a dit que ceux-là font des enfants à chaque coin de la cité 2, 3 par-ci , 4, 5, 6 par-là. C’est là le dérapage.
En quoi aziz a-t-il dérapé ? D’abord, on se demande sur quelle étude il se fonde pour connaître la pratique sexuelle des h’ratines qu’il estime excessive ? Ensuite, parle-t-il de polygamie autorisée par l’islam ou estime-t-il que les h’ratines dont il parle forniquent ici et là et font des enfants inconsciemment ? Le pire c’est qu’il emploie une rhétorique que l’on retrouve partout sur la planète pour indexer un groupe, une communauté ou des étrangers accusés toujours de se reproduire trop surtout que le chef de l’état n’a pas employé une seule fois machallah…
Un minimum de bon sens ou d’études lui aurait appris que ce qui compte pour juger de la natalité d’un groupe déterminé c’est le nombre de naissances par géniteur et non le nombre de naissances en général.
Quelle étude fait croire à Aziz que les maures ou les négro-mauritaniens ne font pas autant d’enfants que les h’ratines et ne se marient pas plus avec autant de divorces ? Sous prétexte que les h’ratines sont les plus nombreux car à l’origine il y avait plus d’esclaves et d’affranchis que de maîtres, Aziz croit qu’un h’artani dont il parle fait plus d’enfants ici et là que les descendants de maîtres.
Hélas, en terme de divorces et de mariages successifs quelle étude peut nier que les maures et les négro-mauritaniens ne sont pas en reste ? Qui peut dire qu’on trouve plus d’enfants par famille h’ratine que par famille maure ou négro-mauritanienne ? Depuis quand d’ailleurs appartenir à une famille nombreuse est un crime sinon depuis que l’état est devenu incapable d’améliorer la vie des citoyens pendant que ceux qui les indexent vivent comme des rois, gaspillent l’argent public en achat d’avions inutiles sinon pour se pavaner à l’étranger comme un monarque du golfe ?
D’ailleurs, les marabouts sont-ils en reste au registre des mariages successifs d’un temps avec enfant à la clé ? On se souvient de cet éminent mollah, pour ne citer que l’un des plus illustres, qui a reçu au sortir de la mosquée un parfait coup de poing de son ancien meilleur ami à propos d’une affaire d’énième mariage en douce dont le mollah ne veut pas assumer le fruit présumé.
Quant au droit de cuissage qui n’était pas le fait frénétique des h'ratines, Aziz a-t-il pensé en dérapant qu’il avait parmi ses ministres un brillant descendant de cette noblesse qui prouve si besoin était que les descendants de chef n’ont aucune leçon à donner aux descendants d’esclaves en matière de morale à propos de ces activités.
Aziz s’est-il posé la question de savoir quel taux de mortalité trouve-t-on chez les nouveaux-nés ou les jeunes enfants chez les h’ratines pour justifier qu’ils se permettent d’en faire autant qu’ils le souhaitent ?
Quant à l’éducation : Aziz qui n’est ni fils d’esclave, ni fils d’affranchi, ni libertin, Aziz peut-il donner des leçons d’éducation s’il estime que les pères sont responsables des trajectoires des fils ? Au contraire Aziz ne sait-il pas qu’un père autoritaire peut détruire un enfant et le pousser à certains excès ? Les lois de la psychologie sont complexes et il faut se garder de donner des leçons et faire des remarques déplacées quand on n'a aucun outil intellectuel pour les dispenser avec discernement.
Cela dit qu’on pardonne à Aziz ce dérapage. Il a parlé avec sincérité et c’est sa raison qui a parlé plus que son cœur or sa raison est celle d’un homme de sa génération pour lequel un h’artani restera un h’artani. De là que les premiers généraux étaient tout sauf h’ratines et pourtant il y avait plusieurs négro-mauritaniens. Il a fallu longtemps qu’on écrive des articles avec pour titre « à quand un général h’artani » pour qu’enfin en sorte un ou deux dont le plus authentique n’a jamais eu le moindre commandement sérieux et le seul qui fut appelé à de hautes fonctions est un métis complexé qui voit rouge si on le traite de h’artani.
Aziz n’aime-t-il pas les h’ratines ? Je crois qu’il n’a rien contre les h’ratines, seulement il est victime de sa génération et sa politique doit refléter celle de ses soutiens : les h’ratines doivent servir à des niveaux subalternes dans l’administration et dans l’armée sinon quelques exemples ici et là pour justifier le discours officiel. A quoi cela est dû ? Si sous Aziz les h’ratines ont vu leur nombre réduire aux hautes responsabilités c’est aussi le fruit des mouvements h’ratines récents qui, bien que non significatifs en nombre d’engagés, menacent le pouvoir au nom du plus grand nombre. Il fallait ne pas leur donner raison et laisser croire que le pouvoir maure a peur. Au contraire, ces mouvements ont provoqué la peur chez les citoyens maures et cette peur a atteint le pouvoir qui rassure les maures en marginalisant désormais les h’ratines comme une punition pour avoir osé menacer les maures. De là qu’Aziz a reçu n’importe qui à la présidence mais jamais le vieux Saïd Ould Homody yarahmou qui voulait lui faire parvenir le manifeste du h’artani opprimé.
Aziz a dérapé mais Aziz a plus fait pour les gens castés que n’importe qui d’autre. Il a nommé des généraux fils de tailleur négro-mauritanien et même avec des noms européens, il a fait général un forgeron, des h’ratines, il a nommé à des postes inespérés jusque-là des forgerons, il a fait ministre tout un monde qui sans lui n’y serait jamais arrivé.
Aziz ne mérite pas tant d’attaques comme s’il était un féodal décomplexé. Il a dérapé sérieusement mais cela a fait plus rire les concernés qu’autre chose, on le voit dans la vidéo au moment où il en parle. Il faut dire aussi que le rire est la meilleure façon chez nous d’évacuer une gêne.
Aziz devrait à l’avenir faire plus attention. Il s’enflamme vite dans ses meetings où il dit de plus en plus des choses fausses même à propos de l’opposition qu’il accuse de tous les maux or il n’a pas besoin de ça pour atteindre une opposition déjà à terre.
Il faut dire aussi que plus la fin du mandat approche et plus Aziz panique car c’est l’heure de vérité. Sa fonction avec son passif de putschiste récidiviste, chef du basep l’empêche de quitter la présidence en bicyclette pour rentrer chez lui. Il est condamné à vivre protégé. D’ailleurs pourquoi partir ? Comment faire pour rester démocratiquement ? Il y pense et cela l’empêche de dormir. En Mauritanie aucun président n’est jamais sorti de la présidence sans la force. Ely Ould Mohamed Vall n’a jamais été tout à fait président. Il a été un pion comme un autre de la militaire génération Aziz qui s’en est débarrassé après s’en être servi. D’ailleurs Ely n’a pas tout perdu, cet épisode l’a blanchi après son passif dans la Tayie où il n’était pas n’importe qui.
Aziz sait qu’il est condamné à ne pas trahir Ghazouani ni engager le système militaire civilisé dans une aventure incertaine. Il doit partir même pour un temps mais il n’est pas dit qu’il parte, ce n’est pas son caractère et autour de lui vivent tranquillement bien des présidents africains en poste depuis mille ans avec des cadavres tout autour…