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JNIM / Al-Qaida : Prémices d’un divorce pragmatique ? par Abdel Nasser Ould Ethmane Elyessa

Mardi 8 Juillet 2025 - 19:48

Une série de signes d’évolution, que porte une rumeur persistante à l’été 2025, prêtent, à l’enseigne Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (JNIM), l’initiative de se désaffilier de la maison-mère Alqaïda, dont le commandement fonctionne, minima. L’organisation perd de sa centralité organisationnelle, depuis l’élimination de l’Égyptien Ayman Mohammed Rabie al-Zawahiri, le dernier grand collaborateur de Ben Laden. Une frappe de drone américain contre son domicile, le 31 juillet 2022 à Kaboul, aura eu raison de sa singulière longévité si l’on se souvient qu’il participait, en 1979, à l’assassinat du Président Anouar Sadate. À l’inverse, les deux Maliens leaders du Gsim, Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa, disposent, ensemble d’une audience solide auprès des Katibas. Leur prestige se renforce en 2025, marge de manœuvre qui leur confère l’aptitude à changer de cap, nouer des alliances, conclure des accords impliquant des entités impies, égarées voire hostiles à l’évènement d’une cité de Dieu sur terre.


1-Le désaveu en douceur pourrait reconduire les modalités du cas syrien, cependant à l’avantage du JNIM car les interférences extérieures demeurent de conséquence limitée au Sahel, en comparaison du même processus dans l’Orient arabe. D’expérience, la fission-sécession précitée augure d’une volonté d’exercer le pouvoir en dehors des chemins de l’utopie, donc d’obtenir la légitimité internationale.

Les Talibans afghans, partenaires stratégiques d’Alqaïda, tentent d’y parvenir mais le succès de l’essai tarde, notamment à cause de la surenchère avec la coalition rivale, l’Etat islamique. Daesh criminalise la moindre velléité de respecter les droits minimaux de la personne et s’acharne à persécuter les hérétiques, les athées, les polythéistes et surtout les Chiites. Néanmoins, au Sahel, la réalité du rapport de forces éloigne la perspective de tuerie fratricide entre les deux principales obédiences de l’Islam. Les partisans de l’imam Ali, cousin, gendre et 4èmesuccesseur du Prophète, appartiennent à une minorité plutôt en posture défensive, comme le rappellent ses tribulations, quelquefois sanglantes, au Nigeria.

2-En Syrie, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-Front al-Nosra, une branche syrienne d'Al-Qaïda, s'est détachée de sa matrice, à partir de 2016. La dissociation, menée sans polémiques ni affrontements, poursuivait l’objectif de privilégier une insurrection limitée à un pays, d’où la révocation du jihad global, la renonciation aux prises d’otages étrangers et l’abrogation des attentats kamikazes commis par les femmes. Le JNIM engage, désormais, la quête de l’acceptabilité diplomatique. 

3-Si le JNIM confirme l’acte de séparation, les décideurs politiques, la presse et les chercheurs en sciences sociales se trouveraient dans l’obligation de reconnaître le passage à un niveau significatif de réduction de la violence, indice d’un retour (certes laborieux) à la paix du vainqueur, sous les auspices de la théocratie. Le monde assisterait, alors, à l’éclosion d’une AES de trois projets de Califat, distincts quant à leur mise en œuvre.

Par-delà le degré de collusion doctrinale et le potentiel de coopération, la perspective de chacun renvoie à l’exercice national de l’autorité, sur l’espace antérieurement reconnu. Le principe de continuité de l’Etat consolide la contrainte, pour les jihadistes, de devoir gouverner, le Sahel, en vertu de la nécessité, bien à l’abri du pathos et des pièges du lyrisme. Ensuite, ils se confronteront au défi de leurs propres limites en matière de technocratie et de gestion domestique, avant de subir les assauts des franchises atomisées de Daesh. Chez les islamistes, se manifeste toujours plus extrême que soi. Ils s’entretuent au motif de vétilles, de billevesées et d’apories mais jamais ne se lassent. Chaque génération inocule le venin à la suivante. Au bout de leur effort renouvelé, scintille la promesse du Firdaus, le sommet du Paradis. Le JNIM ne sera qu’une séquence brève dans le temps long du fanatisme.

Abdel Nasser Ould Ethmane Elyessa, universitaire, chercheur en enjeux civils du terrorisme, est associé à Timbuktu Institute. 

source https://timbuktu-institute.org
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