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un grain de sable pour secouer la poussière...

Le PSI de la PREFIMEDIM : un programme pionnier de développement durable ? (1)

Jeudi 19 Avril 2018 - 07:59

Le développement durable n’est pas une science exacte. S’il peut être méthodique – le doit, pour être lisible et rectifiable – il est d’autant plus soumis au tâtonnement expérimental qu’il travaille sur le vivant. La part impondérable de risques et d’incertitudes oblige à placer l’approche systémique et la communication transversale en phares de l’action. Depuis le début des années 2000, divers financements, variablement coordonnés, au niveau international, par les Objectifs du Millénaire du Développement (OMD), recyclés, depuis 2015, en Objectifs du Développement Durable (ODD), soutiennent la floraison, en Mauritanie, d’un nombre croissant d’initiatives plus ou moins bien adaptées, plus ou moins opportunistes ; plus ou moins durables, donc. Des questions de cohérence et de cohésion se posent. Centrales dans la conception interne de tout projet, elles tendent à le modifier, dans ses rapports externes, au fur et à mesure de son développement. La communication devient vitale.
 

Officiellement  fondé en 2007, le projet « PRoduits d’Excellence d’une FIlière de plantes MEDIcinales en Mauritanie » (PREFIMEDIM) entend réunir, du plus court au plus long terme, tous les acteurs potentiels d’une exploitation réfléchie et durable du biotope médicinal en Mauritanie. Des intérêts très divers, notamment entre les producteurs-cueilleurs, en zones rurales, et les vendeurs de médicaments, en zones urbaines, ont à négocier un modus vivendi mutuellement profitable, en tous les cas respectueux de la précieuse matière première : les végétaux, en l’occurrence ; et de ses bénéficiaires finaux : hommes et animaux en besoin de santé. A ces soucis fondamentaux, s’adjoint celui de la durabilité : des infrastructures et équipements susceptibles de produire plus-values, d’une part, impliquant gestion du foncier et des amortissements ; et des ressources humaines, d’autre part, impliquant formations et investissement conséquent de la jeunesse.
 

Un Programme Stratégique Initial (PSI) a été établi, entre 2008 et 2011, dans une concertation assez réduite, beaucoup trop d’adhérents  restant limités à leur propre intérêt – le plus souvent à court terme – et très peu d’entre eux percevant la globalité de la filière, encore moins la nécessaire logique de sa construction. Le consensus retenu fut, cependant,  de s’en tenir à ce processus fondamental et de prévoir, au cours de son éventuelle réalisation, une phase suffisamment longue de discussions des résultats, entre tous ses acteurs, afin d’élaborer le programme stratégique suivant dans un cadre participatif de plus en plus élargi. Présenté, en 2012, lors d’une table-ronde des bailleurs potentiels, le PSI trouve son financement de base en 2016, auprès de l’UE (499 525 €, soit 52% du total). Il démarre, l’année suivante, avec bientôt l’appui d’un second bailleur, le GEF-SGP du PNUD (150 000 $, soit 12,4%). Diverses pistes sont actuellement explorées pour compléter le quasi-tiers manquant (330 000 €) avant Mars 2019.

 

Le terrain, support de l’action
 

Parlant de construire une filière, le PSI doit, à l’évidence, poser d’abord des fondations. C’est-à-dire, travailler en amont, au plus local : ses premiers acteurs sont le biotope phyto-médicinal et les populations rurales appelées à l’exploiter. C’est dans la mesure où cette relation existe ou est en mesure d’exister que des facilitateurs-régulateurs sont à même de la soutenir : facilitateurs, du côté de la Société civile et des PTF ; régulateurs, du côté de l’État. Trois types d’actions sont ainsi amenées à s’harmoniser : le social, le technique, le réglementaire. Si les deux premiers sont facilement interchangeables, dans leur ordre d’intervention, le troisième doit toujours avoir la sagesse d’intervenir plutôt en aval de ceux-là : la loi naît de l’expérimentation et non pas le contraire. Encore faut-il que les responsables de celle-là puissent avoir un œil constant sur les tâtonnements de celle-ci, afin d’en mesurer convenablement les risques.
 

AGR : Activité Génératrice de Revenus. Le concept est connu et couvre, d’une manière générale, le secteur privé ; notamment au plus local, sous sa forme la plus basique. Son développement, au cours des deux dernières décennies, a mis en évidence la nécessité de mettre en place, en aval, des structures plus communautaires, regroupant des activités fédératrices de plusieurs AGR (boutiques communautaires, par exemple). Leur objet est d’apporter un plus aux AGR, jamais de rentrer en compétition avec elles. Le PSI a choisi de donner, à ce type de structures, un nom spécifique : Activité Génératrice de Revenus Communautaires (AGRC) ; avec obligation statutaire de dévouer ses bénéfices nets à une association locale à but non lucratif, consacré au développement durable de l’agriculture bio, l’agroforesterie et les plantes médicinales, regroupant, notamment, les AGR impliquées (producteurs et/ou cueilleurs de plantes). Notons que cette association peut être membre ou fraction autonome d’une Association de Développement Communautaire local  ou d’une Association de Gestion Locale Communautaire : elle est partie d’un tout qui doit s’efforcer d’organiser une synergie interne et externe ; autonome, à terme du PSI ; notamment avec les PTF et les autorités administratives.
 

Les AGRC gèrent les infrastructures et les équipements nécessaires à la fabrication de produits valorisant ceux des AGR – une sorte de secteur secondaire de l’économie locale, en somme – avec des obligations, statutaires encore, d’assurer prioritairement, dans leurs charges d’exploitation, l’amortissement de ce capital immobilisé. Infrastructures et équipements impliquent situation foncière et les bailleurs ne consentent, avec raison, à financer ceux-là qu’une fois assuré le caractère durablement communautaire de celle-ci. Acquis, dans le cadre public(jusqu’à éventuelle privation), ce caractère a la fréquente lourdeur d’entraîner toute une machinerie administrative grevant lourdement le budget. On peut, certes, concevoir des AGRC de type économie mixte où l’État, propriétaire du foncier, n’est qu’un membre, parmi d’autres, du Conseil d’Administration (CA), laissant la gestion effective  à un tiers local, comme l’association à but non-lucratif susdite, par exemple. Mais ce caractère communautaire du foncier peut être également assuré par n’importe quel propriétaire, via Immobilisation Pérenne de la Propriété (IPP) de la parcelle impliquée. C’est ce procédé, facilement mis en œuvre,  que le PSI met en avant.
 

Universellement connu, dans les sociétés musulmanes, sous l’appellation « waqf » (immobilisation), l’IPP consacre le droit de tout propriétaire, public ou privé, personne physique ou morale – en tout cas, légal – d’un bien précisément défini, à en déclarer la valeur perpétuellement incessible et inaliénable, qui devra être gérée, selon les modalités expressément notifiées dans l’acte fondateur de l’IPP, au profit d’une œuvre communautaire de son choix. Tout rajout au fonds en suit systématiquement le statut et c’est la valeur ainsi augmentée qui devient le capital à perpétuer : l’IPP est donc un système d’accumulation de valeurs au service d’une communauté. Un CA supervise la gestion. Dans le cadre du PSI mis en œuvre par la PREFIMEDIM, chacun de ces CA est invariablement composé de cinq membres. Deux sont inamovibles: le propriétaire du foncier (ou son représentant) et le bailleur des équipements (ou son représentant);et forment la  « minorité de contrôle » qui choisit l’association locale à but non-lucratif destinataire des bénéfices nets. Désignés par cette association, les trois autres membres du CA forment la « majorité agissante », libre donc de ses mouvements, à condition de bonne gestion, vérifiable, à tout instant, sur audit indépendant commandé par la minorité de contrôle.

 

L’État facilitateur
 

Sept sites, répartis sur cinq régions, ont été ainsi retenus, suite à l’engagement volontaire de leurs populations à participer au PSI. Dans trois cas sur cinq, ce sont des structures communautaires (village, jama’a, coopérative) qui ont délimités et mis en IPP le terrain dévolu aux activités de leur AGRC. Dans les quatre autres, ce sont des particuliers qui ont tous ce point commun d’être unanimement reconnus, par la population locale, comme les exploitants de si longue date du terrain en question que nul ne s’aviserait de leur en contester la propriété. Mais les documents officiels manquent, parfois. L’État doit donc maintenant entrer en scène pour valider rapidement la propriété du sol et consolider ainsi le processus de communautarisation de son usufruit, via l’IPP. Ce faisant, l’association prend langue avec l’administration décentralisée : c’est le début du processus de partenariat État-SOC par la base, au plus près des gens, à leur demande.
 

En plusieurs cas, ce dialogue est déjà largement en cours, parfois depuis des années, grâce au travail d’ONG nationales. Quatre d’entre elles sont d’ailleurs partenaires du PSI, avec mission d’assurer, pendant deux ans, l’incubation de l’autonomie de l’une ou l’autre des sept associations locales appelées à gérer leur AGRC respective. Un appui particulièrement efficace, on le voit notamment à Samba Kandji (commune de Gouraye, Guidimakha) où les investissements de l’ONG ADIG, appuyés, depuis 2002, par la coopération allemande, dans l’établissement et le suivi de l’Association de Gestion Locale Communautaire (AGLC) de Moudji-Sud, un des fleurons du Pro-GRN de la GIZ, ont tissé de puissants comportements coopératifs, entre les divers services déconcentrés de l’État (commune, moughataa, wilaya) et la société civile locale. Ailleurs, ce peut être moins évident. Raison de plus de mettre les bouchées doubles, en instaurant, sans tarder, une dynamique de convivialité maximale. Dans quelle mesure des actions en aval, à Nouakchott, au niveau national, sont-elles à même de la booster ? (À suivre)

 

Ian Mansour de Grange

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