Question : Vous présidez une association de la diaspora qui vient de lancer une initiative dont le but est de créer le premier village zéro carbone en Mauritanie. Pouvez-vous nous en parler beaucoup plus ?
Dieynaba Hamidou : Nous avons lancé depuis octobre 2022, l’association « Electricité PourTous » qui a pour mission d’une part de bâtir une société villageoise dans laquelle les objectifs de développement durable sont mis en avant et d’autre part d’allier des conditions de vie dans nos villages par l’accès à une énergie durable pour les populations les plus défavorisée afin d’augmenter le potentiel socio-économique du territoire où elles vivent.
Nous venons de lancer une campagne de Crowd Funding en marge d’une journée culturelle organisée en France où nous avons réuni des centaines de personnes de la diaspora Mauritanienne et africaine pour financer l’installation de panneaux solaires pour 770 foyers du village de Sagné. Notre priorité à travers cette association serait, de permettre aux habitants d’exploiter pleinement la position géostratégique et le potentiel agro écologique de leur village. Ce qui permettra sans aucun doute de lutter contre l’injustice climatique et les inégalités sociales. Nous comptons créer le premier village zérocarbone en Mauritanie à l’horizon 2030.
Question : Aujourd’hui, la Mauritanie est l’un des pays les plus attractifs au niveau de la sous région mais aussi c’est un pays vaste et peu peuplé. Que doit-t-elle faire pour attirer beaucoup plus la diaspora et l’impliquer dans la construction de ses chantiers pour le développement économique et la modernisation du pays?
Dieynaba Hamidou : Souvent l’image que nous avons de la Mauritanie, est ce pays désertique et isolé avec une faible population que l’on ne connaît que très peu. Encore beaucoup de personnes en France me demandent très souvent, qui sont les habitants de la Mauritanie et quelle langue parlent-ils.
La Mauritanie gagnerait beaucoup plus en s’ouvrant plus à l’internationale et à sa diaspora. Je pense qu’elle devrait favoriser l’entrepreneuriat de la diaspora en organisant leur retour, en créant une banque de projets structurants et une rencontre annuelle de très haut niveau pour réunir toutes les diasporas pour leurs présenter les différentes opportunités afin de les accrocher et de leurs permettre de participer au développement socioéconomique de leur pays d’origine.
C’est à la Mauritanie de redorer son image de marque pour attirer plus de touristes et d’investisseurs comme beaucoup de pays de la sous région le font de temps en temps. Elle doit créer des synergies avec les pays voisins. Par exemple, le Sénégal a réussi à susciter l’envie même aux personnes qui ne sont pas sénégalaises pour venir visiter et investir. La Mauritanie pourra faire autant.
Question : L’entrepreneuriat féminin en Mauritanie est souvent confronté à des barrières parfois socioculturelles. Qu’en est-il de L’entrepreneuriat féminin au niveau de la diaspora Mauritanienne principalement celle de la France? Y a- t- il aujourd’hui des success story que vous connaissez?
Dieynaba Hamidou : Dans beaucoup de pays, notamment en France, l’entrepreneuriat féminin se développe et a de plus en plus de parcours de personnalités 100% féminines. Ainsi la Mauritanie pour suivre cette dynamique, devrait appuyer les femmes dans la conception et la réalisation de leurs projets. Ne pas tenir compte des barrières culturelles, c’est s’ouvrir à toutes les opportunités de développement.
La modernisation de la Mauritanie débute par la suppression de toutes les inégalités afin de redynamiser l’économie dans toutes les différentes régions. Au niveau de la diaspora mauritanienne, d’abord j’ai envie de dire que l’entrepreneuriat reste un domaine très complexe mais en France, on en trouve des profils qui ont pu se démarquer complètement malgré les barrières culturelles existantes. J’ai envie de dire que ces barrières culturelles sont pour moi une richesse, le fait d’être Mauritanienne, entrepreneure, musulmane, noire, maman, étudiante, c’est une richesse pour moi.
Aujourd’hui, si je devais choisir une successstory, je prendrais celle de ma mère. Elle entreprend depuis son plus jeune âge et c’est une entrepreneure à succès au sein de sa communauté. Elle a construit son parcours et a pu faire prospérer son commerce même si ça reste à une échelle limitée. Je citerais tout de même l’entrepreneure Ayite Maureen, qui a construit son parcours toute seule de A à Z sans se soucier de ses barrières et qui est pour moi un exemple de femme entrepreneure qui a su se créer un nom dans un domaine où il n’y avait pas forcément de place pour les femmes africaines. Je citerais encore Adama Paris, cette femme qui propose des vêtements et accessoires de modes de luxe avec une touche culturelle.
Question : Le volume des transferts de la diaspora à tendance à augmenter après la pandémie covid 19. Pouvez-vous nous dire quels sont les secteurs dans lesquels la diaspora à tendance à s’intéresser plus ou à investir?
Dieynaba Hamidou : Aujourd’hui, la diaspora est partout, l’objectif étant d’améliorer et de gagner sa vie pour soutenir les parents restés au village. Le volume des transferts ne fait qu’augmenter chaque année. Les secteurs les plus attractifs sont ceux de l’agroalimentaire, les nouvelles Technologies, le foncier, l’immobilier et les services. En réalité, tous les domaines sont attractifs en Mauritanie.
Question : L’adoption de la loi sur la double nationalité à été saluée par les familles de la diaspora. Que reste-t-il à faire pour encourager etséduire beaucoup plus la diaspora pour un retour massif?
Dieynaba Hamidou : Quand j’ai su que la loi sur la double nationalité a été adoptée, j’étais heureuse ! En même temps, pour être honnête j’ai été longtemps déçue et dans l’incompréhension que cette loi est arrivée tardivement. Aujourd’hui, c’est un soulagement pour venir en Mauritanie et je pense que cela va permettre de faciliter l’investissement et l’intégration facile de la diaspora. Il serait utile de créer un réseau de la diaspora qui permettrait d’avoir des échanges entre les membres de la diaspora de tout bord. Ce qu’il reste à faire, c’est de continuer dans cette dynamique.
* Dieynaba Hamidou, co-fondatrice de l’association électricité pour tous
Source : Financial Afrik Spécial La Mauritanie à l’heure de la transformation numérique
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