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Mauritanie : Les droits sexuels et reproductifs, un enjeu majeur pour la santé publique et le développement

Jeudi 25 Septembre 2025 - 21:33

En Mauritanie, la promotion des Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive (DSSR) et de la Planification Familiale (PF) s’impose comme une priorité incontournable. Si des avancées notables sont enregistrées, les chiffres montrent que de nombreux défis persistent, nécessitant des politiques publiques ambitieuses et inclusives.

Selon des experts de la santé, « renforcer l’accès aux DSSR n’est pas seulement une question médicale, c’est aussi un levier de développement économique et social ». Les femmes qui ont la possibilité de planifier leurs grossesses peuvent poursuivre leurs études, s’engager dans des activités génératrices de revenus et contribuer activement à la société.

 

Une mortalité maternelle préoccupante

Selon la Banque mondiale, la Mauritanie a enregistré en 2023 environ 381 décès maternels pour 100 000 naissances – un chiffre en baisse par rapport aux 464 estimés en 2020, mais encore très élevé par rapport aux standards fixés par les Objectifs de Développement Durable (ODD) dont la SDG 3.1 vise moins de 70 décès d’ici 2030. « Réduire la mortalité maternelle est un impératif. Cela nécessite des investissements soutenus dans les infrastructures et la formation du personnel de santé », souligne une sage-femme exerçant à Nouakchott.

 

Un accès limité à la planification familiale

La prévalence contraceptive moderne reste faible : seulement 15,6 % des femmes âgées de 15 à 49 ans y avaient recours lors de la dernière enquête (2015). Cette faible utilisation reflète des obstacles multiples : indisponibilité des produits, stigmatisation sociale, manque d’information et faible sensibilisation. En conséquence, près de 31 % des femmes mariées ont encore des besoins non satisfaits en matière de planification familiale, dont 23 % pour l’espacement des naissances [1]. Cette situation contribue à une hausse des grossesses non désirées et alimente des pratiques à risque, y compris des avortements non sécurisés. En 2023, environ 120 000 femmes ont néanmoins pu accéder à une méthode contraceptive moderne, évitant ainsi plus de 46 000 grossesses non désirées et 150 décès maternels, selon l’UNFPA. [2]

 

Les adolescentes en première ligne

Le défi est particulièrement aigu chez les jeunes. Le taux de fécondité adolescente atteint 88,9 naissances pour 1 000 filles âgées de 15 à 19 ans en 2023, contre 66,8 en 2020. Ces grossesses précoces ont des conséquences dramatiques : abandon scolaire, vulnérabilité économique et risques sanitaires accrus pour la mère et l’enfant. « Les adolescentes paient le plus lourd tribut. Leur accès à l’éducation sexuelle et aux services de santé reproductive reste encore trop limité », constate une militante de la Société civile.

 

Le rôle-clé des media et de la Société civile

Face à ces défis, les media mauritaniens et la Société civile intensifient leurs efforts. Radios communautaires, blogueurs et associations locales mènent des campagnes de sensibilisation qui contribuent à briser les tabous. Ces initiatives sont essentielles pour réduire la désinformation et ouvrir un dialogue sur des questions longtemps jugées sensibles. « Les voix citoyennes ouvrent la voie. Mais il revient aux décideurs de transformer ces appels en politiques publiques efficaces », estime un journaliste spécialisé.

 

Des initiatives prometteuses

Pour répondre à ces enjeux, le gouvernement mauritanien a lancé en neuf régions rurales, avec le soutien de partenaires internationaux tels que la Banque mondiale, un programme national visant à améliorer les services de santé pour environ 2,5 millions de personnes dont plus de 70 000 réfugiés, mettant l'accent sur la santé maternelle, infantile et adolescente [3]. Ce programme prévoit notamment le renforcement des soins primaires de santé, l'amélioration de l'accès à la planification familiale et la formation de travailleurs communautaires de santé dans les zones les plus reculées.  Parallèlement, des initiatives telles que le programme Tekavoul ont permis d'améliorer la protection sociale des ménages vulnérables, en particulier des femmes, en leur offrant des transferts monétaires conditionnels et un accès accru aux services de santé. Des campagnes sur les réseaux sociaux et des projets-pilotes de sensibilisation ont déjà montré un impact positif sur l’utilisation des services de santé maternelle, confirmant l’importance de l’information et de l’éducation dans la prévention [4].

 

Encourager les décideurs à agir

Si la sensibilisation progresse, les observateurs estiment que la responsabilité première incombe aux décideurs politiques. Le défi est de traduire les engagements internationaux et les stratégies nationales en actions concrètes, avec des budgets suffisants et des programmes adaptés aux réalités locales. Un spécialiste du secteur souligne : « Il est indispensable que la Mauritanie renforce ses politiques publiques en matière de santé reproductive. Cela implique non seulement des financements accrus mais aussi la formation du personnel de santé et l’intégration des services de planification familiale dans les structures de base. »

 

Défis persistants et recommandations

Malgré ces initiatives, des obstacles subsistent, notamment les barrières socioculturelles, le manque d'éducation sexuelle appropriée et la pénurie de professionnels de santé formés. Les adolescentes sont particulièrement vulnérables, avec des taux élevés de mariages et de grossesses précoces, facteurs majeurs de mortalité maternelle [5] . Pour atteindre les objectifs de développement durable et répondre aux besoins des populations, les experts appellent les autorités mauritaniennes à : accroître le financement public de la santé reproductive, en ciblant en priorité les zones rurales et nomades ; assurer la disponibilité et l’accessibilité des contraceptifs modernes, y compris pour les adolescentes, dans un cadre respectueux de la confidentialité ; introduire une éducation sexuelle appropriée dans les programmes scolaires et les campagnes médiatiques ; renforcer la formation du personnel médical sur la prise en charge des urgences obstétricales et l’accueil des jeunes ; impliquer les leaders communautaires et religieux dans la sensibilisation, afin de lever les barrières socioculturelles.

 

Une question de volonté politique

Au-delà des discours, c’est la volonté politique qui fera la différence. La Mauritanie a l’opportunité de transformer ses défis en succès, en adoptant des mesures courageuses et inclusives. L’avenir des jeunes filles, la réduction de la mortalité maternelle et l’atteinte des ODD dépendront de la capacité des décideurs à agir dès maintenant. Investir dans la santé sexuelle et reproductive n'est pas seulement une question de droits humains mais également un levier essentiel pour le développement économique et social de la Mauritanie. Une action concertée et soutenue est nécessaire pour garantir un avenir plus sain et équitable pour tous.

THIAM Mamadou

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