« Le contexte sahélien en 2025 suit une trajectoire de dégradation certaine, en raison d’un concours de dynamiques de destruction, où prévalent la récurrence des causes, l’interaction des dissentiments et la complexité des contradictions. Le second semestre de l’année couve la perspective crédible d’une brutalité sans limite, de chacun contre tous, en toute réciprocité. Pour la première fois en Afrique, une émanation d’Alqaïda s’apprête à s’emparer du pouvoir et l’administrer, dans les frontières d’un Etat reconnu.
L’équation désormais, ne se pose plus qu’en termes de spéculation sur l’identité de la cible. Entre Ouagadougou, Niamey, Bamako, qui inaugurera l’entrée dans les abysses de l’inconnu ? A la fin de mai 2025, au lendemain des raids fulgurants de l’insurrection islamiste au Nord du Burkina Faso (Djibo, Diapaga) et à l’Est du Niger (Boni), la réédition du précédent afghan du 15 août 2021, se dessine avec netteté. La chute de Damas, le 8 décembre 2024, après 54 années de tyrannie familiale, dont une décennie de crimes contre l’humanité, constitue un autre révélateur de l’inconsistance et de l’inanité de la dissuasion guerrière, en face d’un adversaire rompu à la sauvagerie.
Les jihadistes vont gouverner l’esprit des hommes, le corps des femmes et l’intimité de tous, à l’ombre du hadith et de l’épée. L’erreur monumentale consisterait à les en empêcher, par une campagne punitive d’armées accourues de l’hémisphère nord. L’expédient, d’ailleurs peu plausible à l’ère du multilatéralisme éclopé, priverait les Africains, d’éprouver la morsure et les limites du salut sous licence divine. De l’essai cruel à venir, émergera la pédagogie du désastre et du relèvement, certes à un coût prohibitif. Les filles, les non musulmans et les artistes, payeront le plus lourd tribut à l’avènement de la théocratie en noir et blanc, que certains quartiers de nos villes préfigurent déjà.
Et puis, un jour, excédé de la promesse du paradis post-mortem, las des mains sectionnées et des scènes de lapidation, le bon peuple en mal d’épanouissement ici-bas, se détournera des sauveurs autoproclamés et moquera leur utopie d’adolescents. S’il aspire à recouvrer les loisirs, la liberté et ces petits riens de la vie, sans quoi l’humain perd le sens de sa grandeur véritable, chaque peuple, après avoir enduré le paroxysme de l’aliénation, se retrouvera en demeure de se relever, obligé de se frotter à l’oppresseur, au motif, séculaire, de la légitime défense.
D’ici-là, les hordes de l’obscurantisme affluent à moto, gavées d’assurance et de bienveillance vertueuse. On les entend entonner, au loin, une litanie d’Allahou akbar et de Azza wa jalla, sûrs d’obtenir les gratifications du Ciel. La foi absolue les guide et il n’est de meilleur manuel d’apprentissage de la boucherie. Bien naïf qui croirait battre, les drogués du martyre, sur le théâtre des opérations. Le triomphe militaire contre les illuminés du jihad est un mirage, dont les Soviétiques, les Américains et les Français ont goûté l’amertume. La tension sincère à mourir Fi Sabili Allah et le désir de vengeance qui la sous-tend, confèrent, aux moujahidine va-nu-pieds, l’atout de l’invincibilité.
Sans le pressentir, ils viennent au fatum qui les dénude, en l’occurrence l’exercice trivial de la gestion. A l’inverse de la démocratie, de la dictature et des dynasties, l’islamisme n’a jamais réussi, nulle part. Sa propension à abuser de l’idéal, le condamne à décevoir et à susciter, en retour, le dégoût et l’aversion. Voici pourquoi, il y’a lieu de temporiser, de fixer le danger et d’en circonscrire le périmètre, avant de transiger avec les barbares pieux, parce qu’il s’avère si ardu de les faire plier. Oui, tout finira par se discuter en Afrique subsaharienne, sauf à outrepasser la ligne rouge de la laïcité. Il s’impose, ici, une articulation, multiple, de patience, de projection, de conscience du rapport des forces et de logique de réduction des pertes. L’opportunité de préserver l’intégrité physique de millions d’innocents, justifie tant de compromissions. Il y va, également, de la paix dans les pays voisins, dans un environnement global où l’article se raréfie.
Violence débridée
L’Etat islamique au Grand Sahara (Eigs), le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim, franchise unifiée d’Al-Qaïda) et les divers avatars de Boko Haram (Islamic State's West Africa Province et Lukawaras), continueront d’étendre leur joug. Ils accentueront le blocus des villes moyennes et y introduiront des chevaux de Troie, non sans réactiver, au besoin, l’appoint de cellules dormantes. Depuis le début de l’année, les obédiences jihadistes, en concurrence, renforcent leurs outils de recrutement, au-delà des ethnies Arabe, Tamashek, Peulh et Haoussa. A mesure que les défaites des Forces de défense et de sécurité (Fds) et les bavures attribuées aux soldats, entités d’autodéfense et mercenaires étrangers, déprécient le moral des armées, s’exacerbe la défiance d’une partie de la population à l’endroit des troupes régulières. Les attaques frontales, attentats-suicide et embuscades vont se multiplier, notamment à l’intérieur des zones frontalières (Liptako-Gourma, Nord du Togo et du Bénin), d’où la vulgarisation du recours, par les terroristes, aux Engins explosifs improvisés (Eei).
Sans établir une connexion durable aux partisans du Califat, l’essor de mouvements d’insurrection non religieux aggrave aussi l’encerclement des Fds, notamment au Niger et sur le septentrion du Mali. Des raids très ciblés, qu’induit la connaissance et la maîtrise du relief, illustrent l’avantage comparé de la nuisance, au profit des combattants autochtones. L’usage des mines antipersonnel en travers des routes et des pistes de circulation motorisée augmentera, à proportion du resserrement de l’étau autour des casernes, des cantonnements mobiles et le long des corridors d’approvisionnement. Les foires hebdomadaires en rase campagne et le convoyage des marchandises, s’exposeront à un surcroît de précarité. La guerre sera de moins en moins asymétrique.
Enlisement des prétoriens
Les autorités respectives de la Confédération des Etats du Sahel (Ces-Aes) – espace fragilisé après des décennies de tripatouillages électoraux, de corruption et de modicité des moyens - feront face, de jour en jour, au défi exponentiel de devoir préserver leurs territoires, sans cesse rétrécis. L’atomisation d’enclaves isolées les unes des autres, démontre le recul du pouvoir central, plutôt la rétraction spatiale de ses facultés. L’insuccès programmé des juntes et les rivalités internes qui en découlent, ne manqueront de détourner l'attention, de la lutte antiterroriste, vers des préoccupations de survie mensuelle, au sein des capitales et de leurs abords immédiats. S’ensuivra une baisse drastique de la capacité des régimes d’exception à obtenir, de l’extérieur, un soutien efficace, dans le cadre de la légalité.
Les ressources extractives (pétrole, mines d’or, minerais stratégiques) constitueront, en 2025, l’unique monnaie d’échange pour l’acquisition de l’armement létal, fabriqué en Chine, Turquie, Iran et Russie. L’économie de guerre s’installe, sur fond de récession, de contrebande et de banalisation des trafics comme entreprises de subsistance, donc de résilience. L’isolement des juntes provoque des difficultés à régler les arriérés de solde et les primes, dysfonctionnement qui érode la discipline des troupes. La succession des débâcles envenime les ferments de mutineries (Termit, Niger 8 mai 2025). Ailleurs, sur le Continent, l’élastique saison des coups d’Etats défiera la météorologie. Des têtes de Chefs d’Etats vacillent et la plupart feignent de l’ignorer.
Effritement de la solidarité mondiale
Le retrait de l’appui consenti par la France, l’Union européenne et les Etats Unis d’Amérique, ainsi que le désengagement des casques bleus de l’Onu, crée un vide dorénavant impossible à combler par la conjonction des Fds et des miliciens Russes (Africa Corps ex Wagner) et Turcs (Sadat). Malgré la hausse constante des achats de matériel offensif, surtout des drones de surveillance et de bombardement, les unités d’élite de l’Aes ne parviennent à rentabiliser leur supériorité théorique en armement. L’efficience accrue des vecteurs aériens au cœur de nombreux champs de bataille (Ukraine, Ethiopie, Moyen Orient), fait encore défaut au Sahel, devant l’avancée et l’audace des katibas jihadistes, se font plus virulentes que jamais. Eigs, Gsim et rébellions non religieuses poursuivront l’effort de bricoler une artillerie et des drones de fortune, en vue de compenser ou de diminuer leur infériorité dans les airs. Néanmoins, la quantité et la qualité des prises de butins de guerre par les jihadistes, ont atteint un summum de saisies, depuis le début de 2025.
Haines intercommunautaires, discorde, provocation, diversion
La désagrégation sociale ira crescendo, selon le degré de pénurie alimentaire, elle-même tributaire de la géographie des cultures à l’abandon, des inondations, de la désertification, du stress hydrique et du déficit de sécurité, tandis que la surnatalité occasionne davantage de pression sur les ressources non renouvelables de la nature. La montée en puissance des milices d'autodéfense favorisera l’accroissement des actes de barbarie à l’encontre des civils et entre ceux-ci.
L’ethnicité, les divergences de doctrine, la surenchère entre les factions sunnites et l’intensification du prosélytisme chiite, cristalliseront le regain d’inimitié confessionnelle. La probabilité d’un génocide contre les Peulhs et, en sens inverse, aux dépens des chrétiens et des animistes du Sahel, n’est plus à prouver. Les pertes durant le premier semestre de 2025, amorcent une tuerie de masse, après Barsalogho (24 août 2024) et Solenzo (10 et 11 mars 2025), qui pourrait accélérer l’irruption du Gsim dans une capitale de l’Aes. A cet égard, il serait réaliste, de considérer l’expérience tragique du Rwanda en 1994, quand les forces du Front patriotique rwandais (Fpr) rejoignaient Kigali, en marchant sur les monceaux de cadavres de la minorité Tutsi.
A titre de comparaison, il convient de rappeler que les Peulhs, en Afrique de l’Ouest, représentent une proportion de la population bien plus importante en nombre. Au début de mai 2025, Jafar Dicko, l’un des visages énigmatiques de Ansarou Alislam, s’adressait à eux, en gardien de l’honneur bafoué et artisan de la rédemption collective. L’appel sera entendu et compris, partout où l’on pratique un dialecte Foulani, de la Mauritanie, au Sénégal, en passant par la République de Guinée.
Compétition du narratif
Les menées de désinformation, aux dépens des régimes réputés favorables à l’Occident, visent, déjà, le Nigéria, le Bénin, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire, pays si vulnérable en prévision de l’élection présidentielle de 2025. Les Trolls russes gagnent en inventivité et exploitent, ici-et-là, des sujets de société résiduels, tels l’appel à la xénophobie intra-africaine, les réflexes du racisme antiblanc et la dénonciation de la permissivité des mœurs comme signe d’une « décadence imposée par les Cafres », en somme les mécréants. L’objectif tacite consiste à introduire, dans les pays visés, les germes de la révolte et le levain d’une désaffection populaire envers les dirigeants « vendus » à l’impérialisme.
En dépit de l’incohérence rationnelle du calcul, il s’agit d’élargir, le camp de la rupture et du refus, à des acteurs dont la convergence paraissait de pure fiction, tels les panafricanistes et les émules de la Charia. A la faveur d’un texte d’analyse d’une perspicacité inédite, la journaliste Morgan Le Cam du "Monde", signait, le 16 février 2023, un article sous le titre « Burkina Faso : quand Russes, wahhabites et panafricanistes font cause commune » :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/16/burkina-faso-quand-russes-wahhabites-et-
panafricanistes-font-cause-commune-autour-de-la-junte_6162118_3212.html
Sur le front hétéroclite du rejet de l’Occident, chez les islamistes et parmi les hérauts du panafricanisme, la diffamation décomplexée de la démocratie et des droits humains ne s’embarrasse plus de pudeur. Comme aux heures tendues de la guerre froide, la pluripolarité du monde désaxé nourrit les slogans d’émancipation des peuples, au détriment de la dignité de l’individu.
Gouvernance de précarité et dictée du pire
Le Sahel subit et subira fortement une succession d’urgences, de laquelle participent les aléas du désordre climatique. Des millions de personnes en quête de sécurité et de pain se déplaceront vers les villes, précisément à leur périphérie, sans exclure qu’un tel exode n’entraîne un excédent de guérilla urbaine. Les infiltrations d’éléments jihadistes, catalyseurs d’anarchie, précipiteront la descente aux enfers. L’accès aux victimes et leur prise en charge s’en trouveront compliqués. Un début de famine et l’effondrement des systèmes de santé moderne - après la faillite de l’école – sont déjà observables au Sahel. L’instabilité du Soudan et l’incertitude quant à l’avenir du Tchad, étendent le continuum de la crise, du littoral du Golfe de Guinée aux rives de la mer Rouge. Il est invraisemblable que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union Africaine (Ua) ou les Nations Unies (Nu), prennent une initiative substantielle de nature à enrayer l’élan de l’entropie généralisée.
L’Aes s’enfonce dans la solitude diplomatique, le piétinement des droits fondamentaux et le tout sécuritaire. Simultanément, la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran rehaussent leurs niveaux d’implication martiale, au travers d’accords léonins -matières premières contre équipement des arsenaux – conclus avec les gouvernements du moment. Leurs interventions accroissent les tensions géopolitiques et diffèrent la résolution des conflits, même à long terme. Le rôle des acteurs alternatifs au multilatéralisme devient un argument-clé de la complication et le principal carburant de la dévastation multidimensionnelle, parce qu’il permet, au projet jihadiste, de mieux incarner, auprès des humbles et des déclassés, le salut au nom de Dieu et la justice d’ultime ressort.
Lendemains de ruine et politique de l’autruche
Nolens volens, en 2025, la situation au Sahel se détériore nettement, sans éventualité d’accalmie. Le bourgeonnement métastasique des affrontements, la faiblesse des coteries à prétention révolutionnaire, la régression des politiques publiques de développement, les violations de la sûreté de la personne, l’impunité des crimes et le désengagement du reste du monde à cause des conflits de Gaza et d’Ukraine, ressortissent, maintenant, d’une destinée irrévocable. Les jihadistes et leurs alliés objectifs des diverses rébellions (Mali, Niger) régentent, de facto, des aires en expansion irrépressible. Peu importent les éventuels changements de meneur au sommet de l’Etat failli, lesquels résulteraient d’un dissensus de fin de transition ou d’un putsch dans le putsch, la sociologie de l’Aes mute en embryon de cléricature féroce, à l’image des Talibans.
Ainsi que le trahit le changement de l’hexis corporelle et de la sociabilité ambiante dans la rue, à l’intérieur des écoles et sur les marchés, une partie de la population musulmane est en demande fantasmée d’une gouvernance de l’idéal, selon les préceptes puritains du salafisme. Ô paradoxe, l’offre continue de séduire en Afrique, cependant qu’elle perd de son attractivité au Moyen Orient arabe. Sur le Continent, aucun facteur structurel de stabilité ne s’oppose plus à l’épisode d’une victoire ponctuelle du jihadisme, pas même une coalition planétaire. Il n’est guère envisageable qu’une coalition internationale s’empressera, demain, de voler au secours d’un Etat africain, pour le soustraire à l’emprise des envahisseurs. Le combat sera fratricide, sans témoins ni arbitre. L’agonie du droit international conforte l’hypothèse.
La contagion touche, suivant une intensité croissante, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Au-delà, la dissémination terrestre de la menace en direction de la côte atlantique, n’est qu’une question de temps. Nul, aujourd’hui, n’imagine l’ampleur des flux migratoires actuellement à l’œuvre, du Sahel au Golfe de Guinée. Le sauve-qui-peut porte une vigueur telle que son flot tempétueux compromet les équilibres fondateurs des pays d’accueil en Afrique de l’Ouest. A l’inverse de la Libye et de la Tunisie, où le réveil du sentiment antinoir sert de repoussoir à l’immigration de transit, au moins trois membres de l’Union du Maghreb arabe (Uma) - Mauritanie, Maroc, Algérie – commencent à réprimer, avec un excès de fermeté, l’afflux des milliers de jeunes subsahariens à l’affût d’une opportunité de passage en Europe.
Les subventions aux pays africains d’accueil, quand bien même seraient-elles d’une gestion honnête (cas de figure empiriquement discutable), ne serviront à endiguer la vague. Bras de fer avec la communauté internationale oblige, la junte du Niger l’a bien su, qui a levé les restrictions aux filières de passeurs, naguère neutralisées par le président déchu Mohamed Bazoum. De Daloa en Côte d’Ivoire, jusqu’aux confins désertiques d’Agadès, le commerce des migrants prospère, à nouveau. Un laïus paru le 23 septembre 2022, sur le site du groupe de réflexion dakarois "Le Wathi", flaire les conséquences dramatiques de la migration en cours :
https://www.wathi.org/laboratoire/tribune/la-securite-dans-le-golfe-de-guinee-a-lepreuve-du-
grand-debordement/
Evidemment, ni les Amériques lointaines, encore moins l’Europe bien proche, n’éviteront l’épreuve. Polémique droite-gauche exceptée, le Monde libre joue, ici, l’adéquation de ses valeurs universalistes, à la contrainte du réel. L’aptitude à absorber l’arrivée incompressible de réfugiés fuyant les tropiques, se rétractera à mesure qu’enfle et mûrit, dans les démocraties, le syndrome de la citadelle assiégée. La crainte du déséquilibre démographique et la peur du changements des modes de vie locaux s’y transformeront, bientôt, en complexe de Massada. De là naît et enfle la tentation, pour les électeurs, de s’en remettre à des majorités d’extrême droite.
Le narcotrafic et le blanchiment de l’argent de la drogue en provenance d’Amérique du Sud et achèveront d’accélérer la banqueroute d’Etats minés par la vénalité des différents services de contrôle aux frontières. Il suffit, aux sceptiques, d’étudier, de près, le fonctionnement des banques primaires en Afrique de l’Ouest, pour mesurer, à quel point le Continent sombre dans l’illégalité et l’appât du lucre. Les nouvelles succursales de la superstructure du crime infiltrent, insidieusement, la haute fonction publique, les douanes, la police et les Impôts, quand ils ne financent les activités de partis politiques et suscitent l’émergence de leaders complaisants.
A cause des défauts imputés à leurs ploutocraties longtemps soutenues par l’Occident, les Africains s’échappent de l’Afrique, y compris en avion, vers l’Amérique latine, point de passage à l’Eldorado final, en l’espèce les Etats Unis et le Canada. Le protectionnisme du Président Donald Trump y met un terme provisoire. Plus près, en sus de la traversée tragique de la Méditerranée, la jonction des embarcations de la mort vers Las Palmas de Gran Canaria étale, au regard de l’observateur lucide, un laboratoire à ciel ouvert de l’invasion qui vient.
En conclusion, sous peine de négligence mortelle, l’enjeu de la paix en péril enjoint, à l’espèce des humains, de se préparer à l’éclosion graduelle du Sahélistan, dès 2025. Hélas, le niveau de sensibilité universelle face à l’imminence du risque, paraît bien en-deçà du minimum d’anticipation requis. Et, pourtant, il serait suicidaire de mobiliser une expédition d’armées coalisées, de l’extérieur, afin de contrarier une évolution à laquelle les Africains devront se confronter, seuls, au prix d’une explication sanglante où couleront des torrents d’hémoglobine. La revendication de souveraineté, l’appétence à la diplomatie multipolaire et la récusation effervescente du néocolonialisme comportent, en retour, le devoir de sortir du récit de la faute des autres, d’habitude servi comme excuse d’exonération et exutoire permanent à l’échec. Ce qui arrive aux Africains tient, à présent, de leur responsabilité quasi exclusive.
Négocier ou périr, voilà le chantage, imparable, que prescrit la réalité du jihadisme conquérant. »
Abdel Nasser Ould Ethmane Elyessa, diplômé d’études supérieures en Science politique, Droits de l’Homme et Polémologie, consultant en enjeux civils du contre-terrorisme.
source leral.net
L’équation désormais, ne se pose plus qu’en termes de spéculation sur l’identité de la cible. Entre Ouagadougou, Niamey, Bamako, qui inaugurera l’entrée dans les abysses de l’inconnu ? A la fin de mai 2025, au lendemain des raids fulgurants de l’insurrection islamiste au Nord du Burkina Faso (Djibo, Diapaga) et à l’Est du Niger (Boni), la réédition du précédent afghan du 15 août 2021, se dessine avec netteté. La chute de Damas, le 8 décembre 2024, après 54 années de tyrannie familiale, dont une décennie de crimes contre l’humanité, constitue un autre révélateur de l’inconsistance et de l’inanité de la dissuasion guerrière, en face d’un adversaire rompu à la sauvagerie.
Les jihadistes vont gouverner l’esprit des hommes, le corps des femmes et l’intimité de tous, à l’ombre du hadith et de l’épée. L’erreur monumentale consisterait à les en empêcher, par une campagne punitive d’armées accourues de l’hémisphère nord. L’expédient, d’ailleurs peu plausible à l’ère du multilatéralisme éclopé, priverait les Africains, d’éprouver la morsure et les limites du salut sous licence divine. De l’essai cruel à venir, émergera la pédagogie du désastre et du relèvement, certes à un coût prohibitif. Les filles, les non musulmans et les artistes, payeront le plus lourd tribut à l’avènement de la théocratie en noir et blanc, que certains quartiers de nos villes préfigurent déjà.
Et puis, un jour, excédé de la promesse du paradis post-mortem, las des mains sectionnées et des scènes de lapidation, le bon peuple en mal d’épanouissement ici-bas, se détournera des sauveurs autoproclamés et moquera leur utopie d’adolescents. S’il aspire à recouvrer les loisirs, la liberté et ces petits riens de la vie, sans quoi l’humain perd le sens de sa grandeur véritable, chaque peuple, après avoir enduré le paroxysme de l’aliénation, se retrouvera en demeure de se relever, obligé de se frotter à l’oppresseur, au motif, séculaire, de la légitime défense.
D’ici-là, les hordes de l’obscurantisme affluent à moto, gavées d’assurance et de bienveillance vertueuse. On les entend entonner, au loin, une litanie d’Allahou akbar et de Azza wa jalla, sûrs d’obtenir les gratifications du Ciel. La foi absolue les guide et il n’est de meilleur manuel d’apprentissage de la boucherie. Bien naïf qui croirait battre, les drogués du martyre, sur le théâtre des opérations. Le triomphe militaire contre les illuminés du jihad est un mirage, dont les Soviétiques, les Américains et les Français ont goûté l’amertume. La tension sincère à mourir Fi Sabili Allah et le désir de vengeance qui la sous-tend, confèrent, aux moujahidine va-nu-pieds, l’atout de l’invincibilité.
Sans le pressentir, ils viennent au fatum qui les dénude, en l’occurrence l’exercice trivial de la gestion. A l’inverse de la démocratie, de la dictature et des dynasties, l’islamisme n’a jamais réussi, nulle part. Sa propension à abuser de l’idéal, le condamne à décevoir et à susciter, en retour, le dégoût et l’aversion. Voici pourquoi, il y’a lieu de temporiser, de fixer le danger et d’en circonscrire le périmètre, avant de transiger avec les barbares pieux, parce qu’il s’avère si ardu de les faire plier. Oui, tout finira par se discuter en Afrique subsaharienne, sauf à outrepasser la ligne rouge de la laïcité. Il s’impose, ici, une articulation, multiple, de patience, de projection, de conscience du rapport des forces et de logique de réduction des pertes. L’opportunité de préserver l’intégrité physique de millions d’innocents, justifie tant de compromissions. Il y va, également, de la paix dans les pays voisins, dans un environnement global où l’article se raréfie.
Violence débridée
L’Etat islamique au Grand Sahara (Eigs), le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim, franchise unifiée d’Al-Qaïda) et les divers avatars de Boko Haram (Islamic State's West Africa Province et Lukawaras), continueront d’étendre leur joug. Ils accentueront le blocus des villes moyennes et y introduiront des chevaux de Troie, non sans réactiver, au besoin, l’appoint de cellules dormantes. Depuis le début de l’année, les obédiences jihadistes, en concurrence, renforcent leurs outils de recrutement, au-delà des ethnies Arabe, Tamashek, Peulh et Haoussa. A mesure que les défaites des Forces de défense et de sécurité (Fds) et les bavures attribuées aux soldats, entités d’autodéfense et mercenaires étrangers, déprécient le moral des armées, s’exacerbe la défiance d’une partie de la population à l’endroit des troupes régulières. Les attaques frontales, attentats-suicide et embuscades vont se multiplier, notamment à l’intérieur des zones frontalières (Liptako-Gourma, Nord du Togo et du Bénin), d’où la vulgarisation du recours, par les terroristes, aux Engins explosifs improvisés (Eei).
Sans établir une connexion durable aux partisans du Califat, l’essor de mouvements d’insurrection non religieux aggrave aussi l’encerclement des Fds, notamment au Niger et sur le septentrion du Mali. Des raids très ciblés, qu’induit la connaissance et la maîtrise du relief, illustrent l’avantage comparé de la nuisance, au profit des combattants autochtones. L’usage des mines antipersonnel en travers des routes et des pistes de circulation motorisée augmentera, à proportion du resserrement de l’étau autour des casernes, des cantonnements mobiles et le long des corridors d’approvisionnement. Les foires hebdomadaires en rase campagne et le convoyage des marchandises, s’exposeront à un surcroît de précarité. La guerre sera de moins en moins asymétrique.
Enlisement des prétoriens
Les autorités respectives de la Confédération des Etats du Sahel (Ces-Aes) – espace fragilisé après des décennies de tripatouillages électoraux, de corruption et de modicité des moyens - feront face, de jour en jour, au défi exponentiel de devoir préserver leurs territoires, sans cesse rétrécis. L’atomisation d’enclaves isolées les unes des autres, démontre le recul du pouvoir central, plutôt la rétraction spatiale de ses facultés. L’insuccès programmé des juntes et les rivalités internes qui en découlent, ne manqueront de détourner l'attention, de la lutte antiterroriste, vers des préoccupations de survie mensuelle, au sein des capitales et de leurs abords immédiats. S’ensuivra une baisse drastique de la capacité des régimes d’exception à obtenir, de l’extérieur, un soutien efficace, dans le cadre de la légalité.
Les ressources extractives (pétrole, mines d’or, minerais stratégiques) constitueront, en 2025, l’unique monnaie d’échange pour l’acquisition de l’armement létal, fabriqué en Chine, Turquie, Iran et Russie. L’économie de guerre s’installe, sur fond de récession, de contrebande et de banalisation des trafics comme entreprises de subsistance, donc de résilience. L’isolement des juntes provoque des difficultés à régler les arriérés de solde et les primes, dysfonctionnement qui érode la discipline des troupes. La succession des débâcles envenime les ferments de mutineries (Termit, Niger 8 mai 2025). Ailleurs, sur le Continent, l’élastique saison des coups d’Etats défiera la météorologie. Des têtes de Chefs d’Etats vacillent et la plupart feignent de l’ignorer.
Effritement de la solidarité mondiale
Le retrait de l’appui consenti par la France, l’Union européenne et les Etats Unis d’Amérique, ainsi que le désengagement des casques bleus de l’Onu, crée un vide dorénavant impossible à combler par la conjonction des Fds et des miliciens Russes (Africa Corps ex Wagner) et Turcs (Sadat). Malgré la hausse constante des achats de matériel offensif, surtout des drones de surveillance et de bombardement, les unités d’élite de l’Aes ne parviennent à rentabiliser leur supériorité théorique en armement. L’efficience accrue des vecteurs aériens au cœur de nombreux champs de bataille (Ukraine, Ethiopie, Moyen Orient), fait encore défaut au Sahel, devant l’avancée et l’audace des katibas jihadistes, se font plus virulentes que jamais. Eigs, Gsim et rébellions non religieuses poursuivront l’effort de bricoler une artillerie et des drones de fortune, en vue de compenser ou de diminuer leur infériorité dans les airs. Néanmoins, la quantité et la qualité des prises de butins de guerre par les jihadistes, ont atteint un summum de saisies, depuis le début de 2025.
Haines intercommunautaires, discorde, provocation, diversion
La désagrégation sociale ira crescendo, selon le degré de pénurie alimentaire, elle-même tributaire de la géographie des cultures à l’abandon, des inondations, de la désertification, du stress hydrique et du déficit de sécurité, tandis que la surnatalité occasionne davantage de pression sur les ressources non renouvelables de la nature. La montée en puissance des milices d'autodéfense favorisera l’accroissement des actes de barbarie à l’encontre des civils et entre ceux-ci.
L’ethnicité, les divergences de doctrine, la surenchère entre les factions sunnites et l’intensification du prosélytisme chiite, cristalliseront le regain d’inimitié confessionnelle. La probabilité d’un génocide contre les Peulhs et, en sens inverse, aux dépens des chrétiens et des animistes du Sahel, n’est plus à prouver. Les pertes durant le premier semestre de 2025, amorcent une tuerie de masse, après Barsalogho (24 août 2024) et Solenzo (10 et 11 mars 2025), qui pourrait accélérer l’irruption du Gsim dans une capitale de l’Aes. A cet égard, il serait réaliste, de considérer l’expérience tragique du Rwanda en 1994, quand les forces du Front patriotique rwandais (Fpr) rejoignaient Kigali, en marchant sur les monceaux de cadavres de la minorité Tutsi.
A titre de comparaison, il convient de rappeler que les Peulhs, en Afrique de l’Ouest, représentent une proportion de la population bien plus importante en nombre. Au début de mai 2025, Jafar Dicko, l’un des visages énigmatiques de Ansarou Alislam, s’adressait à eux, en gardien de l’honneur bafoué et artisan de la rédemption collective. L’appel sera entendu et compris, partout où l’on pratique un dialecte Foulani, de la Mauritanie, au Sénégal, en passant par la République de Guinée.
Compétition du narratif
Les menées de désinformation, aux dépens des régimes réputés favorables à l’Occident, visent, déjà, le Nigéria, le Bénin, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire, pays si vulnérable en prévision de l’élection présidentielle de 2025. Les Trolls russes gagnent en inventivité et exploitent, ici-et-là, des sujets de société résiduels, tels l’appel à la xénophobie intra-africaine, les réflexes du racisme antiblanc et la dénonciation de la permissivité des mœurs comme signe d’une « décadence imposée par les Cafres », en somme les mécréants. L’objectif tacite consiste à introduire, dans les pays visés, les germes de la révolte et le levain d’une désaffection populaire envers les dirigeants « vendus » à l’impérialisme.
En dépit de l’incohérence rationnelle du calcul, il s’agit d’élargir, le camp de la rupture et du refus, à des acteurs dont la convergence paraissait de pure fiction, tels les panafricanistes et les émules de la Charia. A la faveur d’un texte d’analyse d’une perspicacité inédite, la journaliste Morgan Le Cam du "Monde", signait, le 16 février 2023, un article sous le titre « Burkina Faso : quand Russes, wahhabites et panafricanistes font cause commune » :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/16/burkina-faso-quand-russes-wahhabites-et-
panafricanistes-font-cause-commune-autour-de-la-junte_6162118_3212.html
Sur le front hétéroclite du rejet de l’Occident, chez les islamistes et parmi les hérauts du panafricanisme, la diffamation décomplexée de la démocratie et des droits humains ne s’embarrasse plus de pudeur. Comme aux heures tendues de la guerre froide, la pluripolarité du monde désaxé nourrit les slogans d’émancipation des peuples, au détriment de la dignité de l’individu.
Gouvernance de précarité et dictée du pire
Le Sahel subit et subira fortement une succession d’urgences, de laquelle participent les aléas du désordre climatique. Des millions de personnes en quête de sécurité et de pain se déplaceront vers les villes, précisément à leur périphérie, sans exclure qu’un tel exode n’entraîne un excédent de guérilla urbaine. Les infiltrations d’éléments jihadistes, catalyseurs d’anarchie, précipiteront la descente aux enfers. L’accès aux victimes et leur prise en charge s’en trouveront compliqués. Un début de famine et l’effondrement des systèmes de santé moderne - après la faillite de l’école – sont déjà observables au Sahel. L’instabilité du Soudan et l’incertitude quant à l’avenir du Tchad, étendent le continuum de la crise, du littoral du Golfe de Guinée aux rives de la mer Rouge. Il est invraisemblable que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union Africaine (Ua) ou les Nations Unies (Nu), prennent une initiative substantielle de nature à enrayer l’élan de l’entropie généralisée.
L’Aes s’enfonce dans la solitude diplomatique, le piétinement des droits fondamentaux et le tout sécuritaire. Simultanément, la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran rehaussent leurs niveaux d’implication martiale, au travers d’accords léonins -matières premières contre équipement des arsenaux – conclus avec les gouvernements du moment. Leurs interventions accroissent les tensions géopolitiques et diffèrent la résolution des conflits, même à long terme. Le rôle des acteurs alternatifs au multilatéralisme devient un argument-clé de la complication et le principal carburant de la dévastation multidimensionnelle, parce qu’il permet, au projet jihadiste, de mieux incarner, auprès des humbles et des déclassés, le salut au nom de Dieu et la justice d’ultime ressort.
Lendemains de ruine et politique de l’autruche
Nolens volens, en 2025, la situation au Sahel se détériore nettement, sans éventualité d’accalmie. Le bourgeonnement métastasique des affrontements, la faiblesse des coteries à prétention révolutionnaire, la régression des politiques publiques de développement, les violations de la sûreté de la personne, l’impunité des crimes et le désengagement du reste du monde à cause des conflits de Gaza et d’Ukraine, ressortissent, maintenant, d’une destinée irrévocable. Les jihadistes et leurs alliés objectifs des diverses rébellions (Mali, Niger) régentent, de facto, des aires en expansion irrépressible. Peu importent les éventuels changements de meneur au sommet de l’Etat failli, lesquels résulteraient d’un dissensus de fin de transition ou d’un putsch dans le putsch, la sociologie de l’Aes mute en embryon de cléricature féroce, à l’image des Talibans.
Ainsi que le trahit le changement de l’hexis corporelle et de la sociabilité ambiante dans la rue, à l’intérieur des écoles et sur les marchés, une partie de la population musulmane est en demande fantasmée d’une gouvernance de l’idéal, selon les préceptes puritains du salafisme. Ô paradoxe, l’offre continue de séduire en Afrique, cependant qu’elle perd de son attractivité au Moyen Orient arabe. Sur le Continent, aucun facteur structurel de stabilité ne s’oppose plus à l’épisode d’une victoire ponctuelle du jihadisme, pas même une coalition planétaire. Il n’est guère envisageable qu’une coalition internationale s’empressera, demain, de voler au secours d’un Etat africain, pour le soustraire à l’emprise des envahisseurs. Le combat sera fratricide, sans témoins ni arbitre. L’agonie du droit international conforte l’hypothèse.
La contagion touche, suivant une intensité croissante, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Au-delà, la dissémination terrestre de la menace en direction de la côte atlantique, n’est qu’une question de temps. Nul, aujourd’hui, n’imagine l’ampleur des flux migratoires actuellement à l’œuvre, du Sahel au Golfe de Guinée. Le sauve-qui-peut porte une vigueur telle que son flot tempétueux compromet les équilibres fondateurs des pays d’accueil en Afrique de l’Ouest. A l’inverse de la Libye et de la Tunisie, où le réveil du sentiment antinoir sert de repoussoir à l’immigration de transit, au moins trois membres de l’Union du Maghreb arabe (Uma) - Mauritanie, Maroc, Algérie – commencent à réprimer, avec un excès de fermeté, l’afflux des milliers de jeunes subsahariens à l’affût d’une opportunité de passage en Europe.
Les subventions aux pays africains d’accueil, quand bien même seraient-elles d’une gestion honnête (cas de figure empiriquement discutable), ne serviront à endiguer la vague. Bras de fer avec la communauté internationale oblige, la junte du Niger l’a bien su, qui a levé les restrictions aux filières de passeurs, naguère neutralisées par le président déchu Mohamed Bazoum. De Daloa en Côte d’Ivoire, jusqu’aux confins désertiques d’Agadès, le commerce des migrants prospère, à nouveau. Un laïus paru le 23 septembre 2022, sur le site du groupe de réflexion dakarois "Le Wathi", flaire les conséquences dramatiques de la migration en cours :
https://www.wathi.org/laboratoire/tribune/la-securite-dans-le-golfe-de-guinee-a-lepreuve-du-
grand-debordement/
Evidemment, ni les Amériques lointaines, encore moins l’Europe bien proche, n’éviteront l’épreuve. Polémique droite-gauche exceptée, le Monde libre joue, ici, l’adéquation de ses valeurs universalistes, à la contrainte du réel. L’aptitude à absorber l’arrivée incompressible de réfugiés fuyant les tropiques, se rétractera à mesure qu’enfle et mûrit, dans les démocraties, le syndrome de la citadelle assiégée. La crainte du déséquilibre démographique et la peur du changements des modes de vie locaux s’y transformeront, bientôt, en complexe de Massada. De là naît et enfle la tentation, pour les électeurs, de s’en remettre à des majorités d’extrême droite.
Le narcotrafic et le blanchiment de l’argent de la drogue en provenance d’Amérique du Sud et achèveront d’accélérer la banqueroute d’Etats minés par la vénalité des différents services de contrôle aux frontières. Il suffit, aux sceptiques, d’étudier, de près, le fonctionnement des banques primaires en Afrique de l’Ouest, pour mesurer, à quel point le Continent sombre dans l’illégalité et l’appât du lucre. Les nouvelles succursales de la superstructure du crime infiltrent, insidieusement, la haute fonction publique, les douanes, la police et les Impôts, quand ils ne financent les activités de partis politiques et suscitent l’émergence de leaders complaisants.
A cause des défauts imputés à leurs ploutocraties longtemps soutenues par l’Occident, les Africains s’échappent de l’Afrique, y compris en avion, vers l’Amérique latine, point de passage à l’Eldorado final, en l’espèce les Etats Unis et le Canada. Le protectionnisme du Président Donald Trump y met un terme provisoire. Plus près, en sus de la traversée tragique de la Méditerranée, la jonction des embarcations de la mort vers Las Palmas de Gran Canaria étale, au regard de l’observateur lucide, un laboratoire à ciel ouvert de l’invasion qui vient.
En conclusion, sous peine de négligence mortelle, l’enjeu de la paix en péril enjoint, à l’espèce des humains, de se préparer à l’éclosion graduelle du Sahélistan, dès 2025. Hélas, le niveau de sensibilité universelle face à l’imminence du risque, paraît bien en-deçà du minimum d’anticipation requis. Et, pourtant, il serait suicidaire de mobiliser une expédition d’armées coalisées, de l’extérieur, afin de contrarier une évolution à laquelle les Africains devront se confronter, seuls, au prix d’une explication sanglante où couleront des torrents d’hémoglobine. La revendication de souveraineté, l’appétence à la diplomatie multipolaire et la récusation effervescente du néocolonialisme comportent, en retour, le devoir de sortir du récit de la faute des autres, d’habitude servi comme excuse d’exonération et exutoire permanent à l’échec. Ce qui arrive aux Africains tient, à présent, de leur responsabilité quasi exclusive.
Négocier ou périr, voilà le chantage, imparable, que prescrit la réalité du jihadisme conquérant. »
Abdel Nasser Ould Ethmane Elyessa, diplômé d’études supérieures en Science politique, Droits de l’Homme et Polémologie, consultant en enjeux civils du contre-terrorisme.
source leral.net