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un grain de sable pour secouer la poussière...

Analyse de la loi Ghazouani qui fait polémique : voici la preuve de la désinformation…

Vendredi 23 Juillet 2021 - 23:46

Depuis quelques jours, on a pu entendre des élus, des avocats, des journalistes, et n'importe qui, pousser des cris d'orfraie à propos de cette loi. Vu que le texte juridique est en arabe et en français, très peu ont pu saisir la conséquence d’un mot. Le citoyen lambda a dû se fier aux commentaires des fameux faiseurs d’opinion. Il fut donc question d’une loi tyrannique visant à museler les journalistes, les activistes et les blogueurs. Le chef de l’Etat a été présenté comme le principal bénéficiaire de cette loi présentée comme scélérate car elle viserait à le rendre intouchable comme les symboles de l’Etat que sont le drapeau ou l’hymne national.

A entendre tous ces observateurs, Ghazouani ferait voter un texte avant de sortir du bois, plus tyran que jamais. Ainsi il passerait selon eux du président qui dort au président qui coffre ! Dès que j’ai eu un peu de temps libre, j’ai demandé à juger sur pièces et on a bien voulu me faire parvenir le texte en français de ce fameux projet de loi que je me propose d’analyser article par article accompagné de captures d’écran des paragraphes concernés, de sorte que chacun puisse lire et juger par lui-même en cliquant dessus.

En ce qui concerne les paragraphes un et deux : il n’y a qui rien pourrait prêter à discussion sauf peut-être " l’atteinte à l’autorité de l’Etat " et « l’outrage à la personne du chef de l’Etat ». L’atteinte à l’autorité de l’Etat n’est pas un concept tyrannique, on le trouve même dans le droit de la république démocratique française. Il suffit de parcourir le lien joint vers legifrance.gouv pour en reconnaître l’utilité démocratique.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006136046/#LEGISCTA000006136046

Reste à savoir si les experts mauritaniens ont pris le temps de copier-coller la définition française comme ils l’ont fait pour concevoir notre constitution arrivage dont j’ai pu à maintes reprises montrer le bricolage bancal des pères fondateurs à base de copier-collers sachant que ladite constitution a été créé sur mesure pour le démocrate colonel Taya, puis elle a été tricotée de nouveau par ses prédécesseurs, tout aussi démocrates, jusqu'à Aziz.

Quant à l’outrage à la personne du président de la république, il est bien question d’outrage ; le mot est clair. Qui peut défendre le droit d’outrager le chef de l’Etat ? En France, il était question de délit d’offense au chef de l’Etat, loi qui datait de 1881 et n’a été supprimée qu’en Août 2013 !

http://www.revuedlf.com/droit-penal/exit-le-delit-doffense-au-president-de-la-republique-commentaire/

 Vu la jeunesse de l’Etat mauritanien, le niveau d’instruction et de culture politique de la population, peut-on plaider pour l’autorisation à l’outrage au chef de l'Etat ? Personnellement, je suis contre. On peut critiquer sa politique, ses méthodes sans aller jusqu’à l’outrage.

Où est-il question de loi scélérate voulant faire de Ghazouani un demi-dieu intouchable au même titre que le drapeau ou l’hymne national ? Soit dit en passant, chez nous n’importe quel dictateur fait ce qu’il veut, impose ses lois et s'en va, personne ne songe jamais à réviser son passif juridique. Ainsi l’ex chef d’Etat, sous le coup d'une procédure judiciaire pour des faits dont la qualification relève du grand banditisme, a pu changer le drapeau à sa guise et imposer un hymne composé par un égyptien. Ils resteront des symboles respectés par les générations futures qui devront savoir à qui ils les doivent...

L’article 3 parle de sécurité nationale. Il est question de termes qui peuvent paraître vagues en français, reste à savoir s’il s’agit d’une mauvaise traduction ou si ce flou demeure en arabe. Qu’est-ce «  l’atteinte à la moralité des forces armées » ? Peut-être qu’ils voulaient dire «  atteinte au moral des forces armées » ce qui aurait un sens. On pourrait imaginer, comme en France durant la guerre d’Algérie, que des journalistes viennent à écrire des articles pouvant saper le moral de l’armée.

https://www.lemonde.fr/archives/article/1957/03/20/atteinte-au-moral-de-l-armee_2334262_1819218.html

Là encore, qui serait pour des articles qui démoraliseraient notre armée ? Pas moi. Cela dit, on peut imaginer que des lanceurs d’alerte de bonne foi dénonçant des crimes de guerres ou des agissements de certains soldats puissent être condamnés pour avoir voulu démoraliser l’armée. Là encore tout dépend de la bonne foi des autorités et chez nous, même si les choses s’améliorent, depuis quarante ans le pouvoir n’a jamais eu besoin de loi pour enfermer quelqu’un d'outrancier.

Cela dit ce paragraphe peut aussi servir contre des blogueurs qui chercheraient à démoraliser les soldats en calomniant des généraux ou même en disant une vérité présentée avec le souhait manifeste de semer la zizanie dans la grande muette quel qu'en soit le prix sur l'ordre public. Cela dit, comme avis aux amateurs, puisque la Mauritanie est aussi un pays arabe, faudrait voir si quelqu’un peut oser s’en prendre à l’armée dans un pays arabe du Maroc jusqu’à la dernière frontière de l’Arabie. Quant aux pays africains, puisque la Mauritanie est aussi africaine, ce n’est pas toujours mieux en matière démocratique : l’armée reste intouchable.

Il est aussi question de ne pas avoir le droit de poster des photos, vidéos non autorisées des forces armées sauf lorsqu’il s’agit de parades. Là encore, faut-il bondir ? Qui à part des militaires peut avoir des photos de l’armée en action ? Il s’agit là surtout de la discipline militaire. Ce qui relève de la grande muette doit rester muet surtout dans un pays comme le nôtre avec le terrorisme à ses frontières. Reste que cela se discute car si nous étions en guerre, les grands reporters seraient interdits mais quel journaliste mauritanien est prêt à aller là où les balles sifflent ?

Pour l'instant tout cela est hors sujet ; rien qui mérite de bondir ; l’urgence est ailleurs mais il est vrai qu’en cas de guerre, on ne pourrait plus publier des photos impliquant l’armée. Tant que l’armée ferait les choses correctement il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter mais en cas de crimes de guerre, le travail de journaliste, de lanceur d’alerte serait criminalisé. Est-ce d’actualité ? Non. Dieu merci.

En ce qui concerne l’article 4 et suivants : il s’agit de lutter contre les campagnes sur les réseaux sociaux, audios et vidéos visant à monter les mauritaniens les uns contre autres : insultes, calomnies contre une communauté ou une région. Il faut avoir entendu les audios qui invitent à égorger les uns et les autres pour comprendre. Qui peut être contre cela ? 

Il y est aussi question de la protection de la vie privée de chacun. C’est certainement amusant pour certain de recevoir sur leur téléphone la vie privée des autres même des personnalités publiques mais qui aimerait être à leur place ? Dire qu’ils n’ont qu’à avoir une vie privée exemplaire c’est entrer dans leur vie privée. La vie privée doit être sacrée sauf s’il s’agit de pratiques qui ne concernent plus des adultes consentants mais des cas de harcèlement ou des pratiques impliquant des mineurs ou des enfants. Cette loi ne fait pas le tri mais cela ne change rien. Il n’y a rien à redire à moins d’être voyeur et aimer jouir du malheur qui atteint les autres dans leur vie privée car quand il s’agit d’un homme, même un bandit, ou une femme même légère, il n’y a pas qu’eux d'impactés, il y a aussi leurs enfants, leurs familles, leurs amis et les gens qui travaillent avec eux.

 

Ainsi nous avons pu voir que quasiment tout ce qui se dit sur cette loi est exagéré. Nulle part il n’y est question de loi visant à faire du chef de l’Etat un tyran mais ça le peuple ne le saura pas car les gens ne prennent plus le temps de lire et il faut un peu de connaissance juridique pour connaître les conséquences d’un mot.

C’est à l’Etat de faire un travail pédagogique paragraphe par paragraphe et avoir les communicants qu’il faut pour vaincre la désinformation même si neutraliser les voyeurs et les pyromanes en Mauritanie n'empêchera pas les activistes à l'extérieur, de bonne ou mauvaise foi, de rendre disponibles photos et vidéos incendiaires ou outrageantes. Il faudra les poursuivre là où ils sont selon le droit en vigueur à l'étranger.

Ahmed Ould Soueid Ahmed ( Vlane )

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