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La trajectoire d’Ousmane Kane : Un parcours exemplaire sous le signe du hasard et de l’incohérence

Jeudi 19 Juin 2025 - 18:44

Incontestablement, Ousmane Mamadou Kane est un citoyen modèle. Sa carrière est remarquable à plus d’un titre. Toutes ses études étaient brillantes, Il a servi la Mauritanie, et au-delà, les institutions africaines, avec compétence, loyauté et efficacité. Son engagement dans les hautes fonctions de l’État, à la tête d’institutions nationales comme internationales, témoigne d’un sens aigu des responsabilités et d’une rigueur constante.

Mais à la lecture de son livre « Mon Devoir de Servir » et à l’écoute de son interview accordée à Financial Afrik, un élément ressort de manière surprenante : ce parcourt si brillant semble avoir été, par bien des aspects, guidé par le hasard plus que par une réelle planification. À chaque étape, des incohérences surgissent. Des affectations inattendues, des détours imprévus, parfois même des postes occupés sans compétence préalable apparente.

Le récit d’Ousmane Mamadou Kane commence déjà sous le signe du hasard. Invité à intégrer une classe préparatoire, il avoue n’avoir aucune idée de ce que c’est. Il passe ensuite le concours de l’École polytechnique sans en comprendre véritablement la portée. Et pourtant, il intègre cette prestigieuse institution, point de départ d’un parcours d’exception. Cet aveu initial d’ignorance – lucide et sincère – donne le ton : il ne s’est pas construit sur un projet, il n’a pas véritablement tracé sa voie ce sont les circonstances qui l’ont constamment aspiré, parfois malgré lui vers de nouvelles responsabilité.

La suite du parcours est tout aussi déroutante. À la Banque africaine de développement (BAD), il est recruté comme ingénieur industriel. Mais en 1995, le président de l’institution, Omar Kabbaj, réforme brutalement l’organigramme. Tous les cadres doivent passer un concours pour retrouver un poste. Ousmane Kane concourt, évidemment, en vue de devenir responsable des projets industriels. Il réussit. Mais il est affecté… à la passation des marchés, un domaine qu’il ne connaît pas du tout. Étrange récompense du mérite, et curieuse illustration de la “table rase” organisationnelle.

 

Logique opaque

 

Quelques années plus tard, nouveau concours interne : il termine premier pour le poste de directeur des opérations. Résultat ? Il est nommé directeur des ressources humaines. Encore une fois, un poste totalement étranger à ses compétences initiales. Même lui n’en revient pas : que peut faire un ingénieur des mines à la tête de la Direction des ressources humaines?

Plus tard encore, alors qu’un nouveau poste stratégique est créé – directeur de la planification stratégique et du budget –, il admet que personne, y compris lui-même, n’a le profil requis. Il recommande de chercher à l’extérieur. Le candidat recruté ne s’intègre pas. Et la Banque reste sans titulaire pour ce poste stratégique. In fine, les compétences semblent flotter au-dessus des affectations, comme si celles-ci obéissaient à une logique opaque, encore une fois on demande à Ousmane de prendre ce poste.

De retour en Mauritanie, le même scénario se reproduit. On l’appelle, on lui dit simplement : « Va à la Banque centrale ». Pas d’explication, pas de discussion, il n’a pas eu le temps de réfléchir, Il devient gouverneur. Puis, nommé directeur général de la SNIM, il y reste huit mois. Juste le temps de s’installer… avant d’être appelé, contre sa volonté cette fois-ci, au gouvernement comme ministre des Finances. Encore une fois, il ne choisit rien : il obéit, il sert.

Ce parcours, aussi incohérent soit-il dans ses étapes, force le respect dans son résultat. Ousmane Kane n’a pas été le fruit d’un plan parfaitement exécuté. Il est, au contraire, le produit d’un mélange de hasard, d’adaptabilité et de devoir. Là où d’autres auraient résisté, refusé, ou échoué, lui a accepté, appris et réussi. C’est là sa véritable grandeur : avoir su transformer chaque détour en service, chaque surprise en opportunité, chaque incohérence en loyauté.

C’est cette part d’aléatoire, ce fil d’absurde parfois, que nous interrogeons ici — non pour diminuer la valeur de l’homme, mais pour réfléchir à la manière dont les carrières se construisent en Afrique, souvent au-delà des logiques classiques de mérite et de spécialisation.

À travers cette trajectoire singulière, c’est une autre lecture du service public qui se dessine. Une lecture moins linéaire, moins planifiée, et peut-être plus proche de la réalité des grandes carrières africaines, souvent guidées non par la volonté seule, mais par le devoir, les circonstances et les caprices du destin.

 

                                                           Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni
lecalame

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