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un grain de sable pour secouer la poussière...

Les écrivains meurent, aussi

Mercredi 13 Janvier 2021 - 21:31

Aujourd’hui, 13 janvier 2021, s’éclipse, à jamais, la figure de Mohamed Yehdhih Ould Breidelleïl, littéraire francophone et lecteur en perpétuelle boulimie de livres. La densité de sa prose atteste d’une curiosité et d’une mémoire hors de comparaison, parmi ses compatriotes. J’ai combattu son projet politique et me dois, en conséquence, de lui reconnaitre du mérite. L’exercice s’annonce aisé tant le défunt se distingue de ses contemporains.

A la soif de connaissance, l’homme de conviction apportait la caution de l’engagement, détail plutôt rare chez les prosateurs et gent de chronique avisée. Mainte fois en prison, torturé et humilié, à cause de ses idées, il récusait et congédiait la tentation de la revanche. Les policiers zélés l’ont bousculé, dénudé dehors dans le froid de Jreïda, non sans moquer l’infirmité de son œil et la sobriété de son existence. En vertu d’une tradition d’impunité sous les « tristes tropiques », aucun responsable de ces atrocités n’en répondit, devant un policier, encore moins face au juge.

Ould Breidelleil refusait d’évoquer le désagrément et la souffrance de sa condition d’esthète au milieu des philistins, sauf à de rares occasions, parmi ses compagnons de route. Je citerai, ici, Devali Ould Cheïne, le plus loyal d’entre les disciples.
La pensée du nationalisme arabe, comme l’entendait Ould Breidelleil, a fait beaucoup de mal aux mauritaniens mais lui n’en tirait de bénéfice, du moins point à sa personne. Le monsieur, que j’ai croisé à trois occasions, dont deux fortuites, élevait, au rang de vocation, l’indifférence à jouir des biens périssables. En sens inverse, il sacrifiait presque tout à la passion du pouvoir d’Etat, quête et proximité indistinctes. C’est ce trait de caractère qu’il incarnait le mieux, d’ailleurs à l’abri du moindre effort.

A sa manière, toujours frugale, il représentait une chevalerie du paradoxe: autant, il combattait l’usage du Français en Mauritanie, autant il le pratiquait, avec emphase et coquetterie, parfois dans la jubilation, quand ses articles remuent le fond des humanités classiques, de l’histoire à la sociologie, en passant par la roche tarpéenne, si près du Capitole. Témoin et observateur des premières années de l’Indépendance puis de notre foudroyante descente aux enfers du putsch et de la junte – aventure à laquelle sa contribution fut décisive en 1978 - il quitte la vie après avoir si peu publié ; peut-être, souhaitons-le, lui découvrirait-on une œuvre posthume…..si de telles pages reposent quelque part, l’on y lirait, certainement, une autocritique et le récit, honnête, d’un destin où l’intelligence compenserait l’erreur, sans parvenir à la racheter….

Abdel Nasser Elyessa Soueid Ahmed
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