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un grain de sable pour secouer la poussière...

Profil de cas : Banque Mondiale / Etat Mauritanien. Délestages dans les relations ?

Vendredi 21 Janvier 2022 - 16:21

Mohamed Chighali journaliste
Mohamed Chighali journaliste

Franchement, on a comme l’impression que l’ingérence de la Banque  Mondiale dans les affaires intérieures de notre pays devient une habitude qui ressemble à une provocation dont le but semble être de vouloir empoisonner volontairement  les bonnes relations sensées unir cette institution monétaire internationale avec la Mauritanie ce pays pauvre de l’Ouest africain. Ce n’est pas le porte-parole du gouvernement qui le dit mais ce sont les agissements répétés de cette institution financière internationale qui transgressent le respect de la souveraineté de la Mauritanie, qui le disent.

La Mauritanie, pays sous développé ne peut pas évidemment  se  passer des financements que lui octroie cette institution financière incontournable. C’est ce qui explique d’ailleurs le pourquoi de ses interventions multisectorielles dans des programmes qui touchent à tous les environnements multidimensionnels sociaux économiques.

Chez nous, la Banque Mondiale  marque de son sceau les financements de plusieurs projets dont la Mauritanie  a réellement besoin.

Dans le cadre  du programme national intégré d’appui à la décentralisation, au développement local et à l’emploi des jeunes, par exemple, cette institution finance à hauteur de 66 millions de dollars  le projet qui doit en principe contribuer à l’essor de certaines localités dans le Sud et l’Est du pays en rallongeant  l’assistance technique nécessaire au processus de décentralisation engagé.

La Banque Mondiale  soutient d’autre part  la stratégie  du gouvernement  qui vise à protéger les ménages pauvres et vulnérables par des investissements  dans le capital humain en vue de briser le cycle vicieux de la pauvreté.

Le programme national de transferts sociaux  « Tekavoul » qui implique cette institution bancaire cible les ménages les plus démunis, qui bénéficient  d’allocations monétaires étalées sur  une durée de cinq ans. Cette activité est menée au moyen de  transferts trimestriels en échange d’une participation à des activités conçues pour améliorer la connaissance des pratiques familiales essentielles et accroître les investissements dans le développement de la petite enfance. Ce programme épaule  70 000 bénéficiaires, dont 47 000 ont  été déclarés éligibles à ce  projet d’appui au mécanisme de filets sociaux. 

L’un des plus importants projets de la Banque Mondiale dans notre pays restera sans nul doute le projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD) qui   renforce l’autonomie des femmes et des jeunes adolescentes et qui  accélère la transition démographique dans la sous-région. Ce programme qui connait un grand succès cible des filles dont l’âge  varie entre 10 et 19 ans  qui courent un risque élevé de mariages prématuré et de grossesses précoces ou qui sont exposées à des pratiques néfastes. Ce  projet est financé à hauteur de 77 millions de dollars, dont 2 millions sont supportés par le budget de l’État et 60 millions don de l’IDA. 

C’est pour dire, en citant ces quelques exemples,  que la Banque Mondiale se place en pole position des partenaires qui contribuent effectivement à l’aide au développement de notre pays.

Mais malheureusement, depuis quelques temps, on a comme l’impression que la Banque Mondiale, en contrepartie de ces assistances généreuses, se considère en terrain conquis et se laisse aller dans des activités parallèles contreproductives qui, malheureusement éclaboussent la souveraineté de notre pays.

Incursions dans les affaires intérieures du pays.

Au début de l’année passée, le 26 février 2021, dans un communiqué, la Banque Mondiale « exprimait ses préoccupations » au sujet des questions foncières soulevées par des manifestants dans la vallée et les conséquences des travaux d’aménagement de 25 hectares entrepris aux abords de la localité de FerAllah. Pour ce projet, la Banque Mondiale qui avait mis la main à la poche pour appuyer une initiative pour l’irrigation au Sahel,  « s’est invitée » au débat au mauvais moment et au mauvais endroit où des évènements avaient eus lieu. Alors que la tension était à son comble, et alors que les autorités cherchaient à apaiser les tensions, la Banque Mondiale était allée sur le théâtre du lieu de la tension  pour cueillir des informations auprès des  communautés villageoises se substituant aux autorités locales ce qui avait envenimé la situation et déplacé de son  contexte le  différent à l’origine des troubles.

Cette incursion dans les affaires intérieures « sécuritaires » du pays de l’institution est à l’origine de  complications observées actuellement et difficiles à gérer. Par récidive, la Banque Mondiale vient d’ajouter  une nouvelle bévue qui prouve bien « malheureusement » qu’elle se trompe dans son rôle d’institution financière qui a obligation morale et diplomatique de s’écarter  des conflits qui opposent les autorités à des populations ou  des responsables dans l’exercice de leurs fonctions à leur hiérarchie.

C’est le cas de  la coordinatrice du projet WACA. Dans  un courrier en date du 31 décembre 2021 portant le numéro d’ordre 1243, adressé à la Représentante Résidente de la Banque Mondialeen Mauritanie, le Ministre des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs,  Ousmane Mamadou Kane a demandé à celle-ci de suspendre tous les engagements de son organisme en rapport avec le Programme de gestion du littoral ouest-africain communément appelé (WACA), et de ne s’en tenir désormais qu’aux instructions faisant  objet de correspondance de son Département.

Cette mise à « niveau »  des relations entre le Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs et le Bureau Pays de la Banque Mondiale en Mauritanie dans la gestion dudit projet a été nécessitée par décision mise en garde  qui intervient après  la montée de plusieurs crans de l’escalade administrative qui opposait la coordinatrice du projet  et la Ministre de l’Environnement et du Développement Durable, maitre d’oeuvre de l’exécution du projet.

Si, la  coordinatrice mauritanienne du projet WACA était en perdition « d’hiérarchie », ce qui la poussait à échanger de courriers directement avec la représentante de la Banque Mondiale dans notre pays, cette dernière Cristina Isabel Panasco Santos s’était placée inconsciemment entre le marteau (le Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs son vis-à-vis) et l’enclume (le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable) son point focal en s’ingérant dans des affaires administratives internes du pays. 

Par le fait simplement d’avoir accepté  de traiter directement avec la coordinatrice qui  jouait au bras de fer avec la Ministre de l’environnement et du Développement durable-, et au cache-cache  avec le ministre des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs, la Représentante Résidente de la Banque Mondiale a  joué avec le feu.

Aussi,   que la représentante de la Banque Mondiale cautionne le comportement de la coordinatrice du projet WACA qui  fait passer son courrier par une voie dégagée et détachée de son hiérarchie, c’est une violation grave du respect de l’autorité et des compétences des pouvoirs publics. C’est une manière flagrante de contribuer à l’instauration d’un environnement et d’un désordre administratif que la représentante de la Banque Mondiale aura du mal à gérer dans le futur immédiat et qui risque de nuire aux bonnes  relations de respect mutuel qu’entretiennent  le gouvernement et la Banque Mondiale institution qui appuie ses programmes.

 

Il est vrai que le Groupe de la Banque mondiale en Mauritanie compte  dans son panier plusieurs conventions de  financements, sous forme de dons en faveur de notre pays. Il est vrai aussi  que cette institution  appuie  l’effort national dans  plusieurs secteurs dont  de la Santé, l’Énergie et  l’Emploi.

Il est vrai aussi, que le Ministre des Affaires économiques et de la Promotion des secteurs productifs, M. Ousmane Mamoudou Kane n’a jamais ménagé aucun effort pour mettre dans un environnement de travail et de coopération favorable tous les organismes et toutes les organisations qui opèrent dans notre pays pour soutenir des programmes de développement sectoriels prioritaires. Il est vrai aussi, que la Ministre de l’Environnement et du Développement Durable   joue une partition importante pour que les projets financés pour son département soient respectueux des engagements du chef de l’Etat et qu’ils  s’inscrivent dans la transparence et la bonne gestion. 

Mais aussi, tous ces avantages accordés à la Banque Mondiale comme d’ailleurs à d’autres bailleurs de fonds ne doivent pas servir de feu vert allumé à ces instituions pour s’ingérer dans des affaires internes du pays.

Il est difficile de comprendre pourquoi,  la Banque Mondiale s’est laissée entrainée une fois encore dans l’ingérence des affaires internes de l’Etat. Manque de compétences de ses représentants ? Mauvaise lecture de leurs lettres d’accréditations ? Erreurs  involontaires ou tout à la fois ? En tous cas la conséquence est là. Blocage dans la gestion d’un projet important pour le pays.

La Mauritanie a élaboré un plan directeur côtier  2018-2022 pour faire face aux changements climatiques et aux risques qui s’y associent. C’est dans ce cadre que l’une des interventions prioritaires a été définie comme  le renforcement des dunes côtières qui protègent Nouakchott et certaines zones du littoral au  niveau du parc national du Diawling,  et  dans la zone transfrontalière avec le Sénégal. Cette activité est justifiée par une nécessité  de réduction des risques de catastrophes  et la mise en place de plans directeurs de résilience et d’adaptation à long terme pour les communautés des  localités du  sud affectées  par l’érosion côtière. C’est le Projet WACA.

La Banque Mondiale partenaire du gouvernement ou des individus ?

On est bien en droit de se poser la question. D’autant plus que le Ministère de tutelle du projet a été surpris par la décision prise par la Banque Mondiale de renouveler le contrat de la coordinatrice qui s’est  « rebellée » contre l’administration de son pays. Par sa position « arbitraire » dans ce conflit qui oppose un ministre ou même deux à une coordinatrice de projet « déboussolée » (au point de ne plus se souvenir de sa vraie hiérarchie), la Banque Mondiale a agi de manière incompréhensible et injustifiée,  qui ne la mènera à rien et qui ne servira pas vraiment à consolider les relations de coopérations entre elle et la Mauritanie. 

Ceci est d’autant plus regrettable qu’entre 2018 et 2022, la Banque Mondiale  a injecté dans différents programmes multisectoriels Mauritanie, 496 millions de dollars. (46, en 2018, 22, en 2019, 233, en 2020, 165, en 2021 et 30 millions en prévisions pour 2022). 496 millions de dollars c’est beaucoup. Mais cette enveloppe globale quel que soit son importance ne donne pas autorité et  liberté à la Banque Mondiale pour  s’ingérer dans les affaires intérieures du pays ou pour prendre position dans des conflits auxquels elle doit être étrangère…..politiquement et administrativement, même si par ailleurs elle  doit être très proche financièrement.

Juste pour la petite histoire d’une anecdote.

Au début des années 80,  la Croix Rouge norvégienne était intervenue dans notre pays avec des moyens logistiques et financiers énormes pour assister les populations victimes d’une sévère sécheresse. C’était sous le régime de Ould Haidalla. Le représentant de la Croix-Rouge norvégienne, qui représentait sa société nationale en Mauritanie pour la mise en place des opérations de secours d’urgence, avait refusé catégoriquement d’inscrire l’intervention de la Croix-Rouge de son pays dans le cadre du programme élaboré par les autorités régionales du Brakna prétextant qu’il était investi de tous les pouvoirs pour intervenir selon son approche personnelle. Il avait fait cette déclaration à l’adresse Dah Ould Cheikh, un administrateur compétent et reconnu pour sa bonne gouvernance à l’époque Waly du Brakna.

A la sortie du Bureau du Waly, le fonctionnaire du Croissant Rouge  qui était chef de mission (l’actuel Secrétaire Général) en protestation contre les propos déplacés et irresponsables du Délégué de la Croix-Rouge de Norvège  tenus à l’endroit du Waly Dah Ould Cheikh,  avait simplement  décidé d’annuler la mission et de retourner à Nouakchott pour consultation de son siège. 

Quand il est arrivé à Nouakchott très fatigué par un aller et retour de 512 kilomètres entre Aleg et Nouakchott sans repos, il est allé directement dans le bureau de la présidente de l’époque Mme Sall, Née Tokosselle Sy pour lui dire que le délégué avait refusé  d’intégrer l’intervention de la Croix-Rouge de Norvège au plan d’intervention élaboré par les autorités locales. Et que pour cette raison il avait pris sur lui l’initiative de revenir à Nouakchott pour rendre compte.

La Mauritanie intransigeante sur sa souveraineté histoire  du passé ?

J’étais dans mon bureau,  quand la présidente a fait envoyer le planton pour me demander  de venir la voir. Quand je suis entré dans son bureau, j’ai  surpris de voir avec elle le chef de la mission et le délégué de la Croix-Rouge norvégienne. Je ne comprenais pas pourquoi la mission dépêchée tôt dans la matinée était de retour. Avant même de saluer mes amis,  Mme Sall s’est adressée à moi en me disant : « Mr Chighali, envoyez immédiatement un « télex à Genève avec copie à la Croix Rouge norvégienne pour leur dire que le Délégué norvégien  a jusqu’à 00 heures  ce soir pour quitter notre territoire national. Et dites au Secrétaire général de la fédération que j’attends confirmation des mesures prises par télex-tournant ».

La décision de la présidente était irréversible. Toute la journée le bureau à Genève suppliait Mme Sall de donner au moins  un ultimatum de 48 heures au délégué pour se préparer. Elle avait opposé un niet inflexible. Il n’y avait ce jour-là aucun vol au départ de Nouakchott. Le pauvre délégué a été reconduit dans la soirée à la frontière  (Rosso) où un véhicule de la Croix-Rouge Sénégalaise était venu le prendre pour l’amener à Dakar d’où il pouvait prendre un vol pour Genève.

Pour Mme Sall, la souveraineté du pays n’est pas négociable et ne s’achète pas. C’est la leçon qu’elle voulait nous donner. Ce n’est pas parce que la Banque Mondiale a investi chez nous entre 2018 et 2019 en pleine ère de  gabegie en fermant l’œil sur les circuits « fermés » de ses financements mis en place par l’ancien régime qu’elle doit s’arroger maintenant tous les pouvoirs pour s’immiscer dans les affaires intérieures de notre pays.

Bien entendu, la main qui reçoit est « toujours en dessous de celle qui donne »  dit le sage Hampathé Bâ. Mais celui qui prend ce qu’on lui donne n’est pas obligé de regarder celui qui donne la tête baissée. C’est la morale que nous avait laissée en héritage Mme Sall, Née Tokosselle Sy, une dame de fer qui était respectée à travers toute la planète.

La pleine et entière souveraineté d’un pays n’est pas négociable. C’est le prix à payer pour  préserver la dignité d’un état. C’est ce que moi je pense en tous cas.

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant.

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