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«Décolonisation », le film de Karim Miské en avant première dans les studios Holpac de Nouakchott

Mardi 31 Décembre 2019 - 09:02

Les studios Holpac de la Cité Plage à Nouakchott ont projeté dimanche 29 décembre 2019, le film de Karim Miské, «Décolonisation». C’était devant un public de connaisseurs qui ont bien apprécié le montage de ce long métrage découpé en 3 épisodes de 52 minutes chacune. «L’idée était de faire un film qui parle à tous les publics» a lâché Karim Miské, l’un des trois réalisateurs du film qui a fait le déplacement à Nouakchott pour présenter cette toute première projection avant sa diffusion sur les chaînes de télévision en France, notamment Arte courant janvier 2020, puis probablement TV5 plus tard.


«Décolonisation » est en fait une lecture crue des évènements qui ont marqué l’histoire des luttes des peuples contre la colonisation européenne et ses horreurs. Il intervient au moment où l’année 2020 pointe du nez ainsi que l’anniversaire des 60 ans d’indépendance de beaucoup de pays africains. Le film nous promène ainsi de l’Empire britannique des Indes, au Congo belge, en passant par le Kenya, le Vietnam, le Maghreb, Haïti, Paris, Londres, Bruxelles et les mouvements des intellectuels noirs en Europe et dans le continent, à l’image du Sénégalais Lamine Senghor…

De gauche à droite, Ly Oumar Directeur des Studios Holpac, Bios Diallo et Karim Miské (Crédit Aidara)

Venu pour suivre seulement le premier épisode intitulé «L’apprentissage» qui évoque les évènements qui se sont déroulés entre 1857 et 1927, le public en redemandera et suivra ainsi religieusement, le 2ème épisode intitulé «Libération », qui raconte l’histoire de la décolonisation entre 1927 et 1954. Le dernier épisode qui va de 1954 à 2013 sera projeté ultérieurement.

1er épisode 1857-1927. Saisissant d’horreur, le film nous montre une Europe rendue folle par les richesses des autres continents et pour lesquelles elle n’hésitera pas à commettre les pires atrocités de l’histoire de l’Humanité. En filigrane, les massacres commis par l’Empire Britannique et sa fameuse Compagnie des Indes Orientales, notamment lors de la révolte des Cipayes en 1857 qui mettra en proue l’image héroïque de Manikamika, la reine de Jhansi, tombée aux combats les armes à la main pour défendre son empire. Il y eut également la subtile rivalité franco-belge pour le contrôle du Congo qui va susciter la conférence de Berlin du 15 novembre 1884, prélude au partage du continent africain entre les puissances européennes. Mais les atrocités commises par le Roi des Belges Léopold II au Congo vont dépasser de loin toutes les horreurs que le monde a eu à connaître, avec des massacres de masses et des amputations, pour pousser les populations à produire plus de caoutchouc pour les industries naissantes de la pneumatique, le vélo puis les premiers véhicules faisant leur apparition.

Vue partielle du public (Crédit Aidara)

Le film évoque aussi la subtile guerre des savants sur la théorie de la supériorité de la race blanche, à travers l’essaye de Gobineau de 1855 intitulé «De l’inégalité des races » et l’ouvrage du savant haïtien  Firmin «De l’égalité des races humaines» qui allait démonter la thèse de Gobineau.

Il est aussi question de la 1ère guerre mondiale qui a été marquée par la mobilisation de centaines de milliers de jeunes des colonies pour servir de chairs à canons.

Le 2ème épisode, 1927-1954, évoque le mouvement des jeunes africains, à l’image du jeune tirailleur sénégalais Lamine Senghor qui, révolté par le mépris dont sont traités les noirs, va s’engager dans l’activisme politique au sein de l’International communiste. Le discours qu’il prononce lors du congrès constitutif de la «Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale» le rend célèbre. Mais il meurt le 25 novembre 1927, à 38 ans, de tuberculose, suite aux gaz toxiques inhalés lors de la 1ère guerre mondiale.

Pause entre deux projections (Crédit Aidara)

Le film parle aussi d’autres grandes figures de la lutte anticoloniale, notamment Sarajini Naidu, la grande combattante pour l’indépendance de l’Inde, compagnon inséparable du Mahatma Ghandi. Il est aussi question de Mary Muthoni Nyanjiru, cette kenyane qui donnera sa vie en conduisant la première manifestation populaire devant un commissariat de Nairobi en mars 1922 pour exiger la libération de Harry Thuku, un militant contre le travail forcé des femmes et des enfants arrêté par la police britannique. S’en suivra la révolte des Mau Mau de 1953 et les massacres qui s’en ont suivi. Le 6 juin 2013, l’Etat britannique reconnaît ses exactions et s’engage à dédommager les victimes des Mau Mau.

Autres pans de la décolonisation évoqués par le film de Karim Miské, le combat de Nguyen-Ai-Hoc plus connu sous le nom de Ho-Chi-Min et la guerre de Diên Biên Phu qui retrace la défaite de l’armée française au Vietnam, la révolution algérienne et la figure de proue de l’écrivain Kateb Yacine, ou encore la révolution du Rif avec Abdelkerim le premier berbère à créer une République entre l’Algérie et le Maroc.

Après tant de résistances ponctuées de demi-défaites et de mini-victoires, les peuples opprimés par plus d’un siècle de colonisation, finiront par s’aguerrir en apprenant de leurs erreurs, mais surtout des points faibles de leurs dominateurs, jusqu’au moment des indépendances. Mais une question se pose, «la décolonisation est-elle achevée ?»

Cheikh Aïdara

Biographie.
Karim Miské, né à Abidjan en 1964, est écrivain et réalisateur français de père mauritanien, Ahmed Baba Miské diplomate, et de mère française. Après son premier film «Economie de la débrouille à Nouakchott » réalisé en 1988, il publie son premier roman «Arab Jazz», récompensé par plusieurs prix, le grand prix de littérature policière en 2012, prix du Goeland Masqué en 2013 et le Prix du meilleur polar des lecteurs de Points en 2014.  Il réalise en 2013 un documentaire intitulé «Juifs et musulmans, si loin, si proches » diffusé sur Arte. Le film «Décolonisation» est agrémenté par la belle voix off de Reda Kateb, acteur et homme de théâtre français, petit neveu de Yacine Kateb.

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