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un grain de sable pour secouer la poussière...

Guerrier ou marabout par Mohamed Elbouss

Lundi 9 Juin 2025 - 21:56


Une fâcheuse culture assez répandue chez nous tend à présenter les « benu Hassane » comme des illettrés. Certains vont même jusqu’à les qualifier de brigands hors-la-loi. Décidément, nos lettrés contemporains ne semblent pas reconnaitre aux « benu Hassane » le mérite d’avoir développé la culture et la paix en Mauritanie. Néanmoins, pour ne pas généraliser on peut citer quelques exceptions : Mamadou Ba et Said Hamody qui n’ont pas démérité dans la conservation de notre patrimoine. Si l’on se réfère à l’Histoire des émirats, force est de constater qu’aucune connaissance n’aurait pu se développer sans la paix sociale instaurée dans ces émirats. Ils ont fourni deux vecteurs indispensables au développement économique et culturel : l’Islam et l’Arabe. Nous devons à ces deux piliers notre stabilité actuelle. Les« benu Hassane » sont incontestablement les premiers à avoir répandu la culture arabe sur toute la zone nord-africaine.

Certes, les mourabitounes ont auparavant répandu l’Islam en Afrique et en Europe sans pour autant s’attarder sur la poésie et la musique. Leur austérité s’est même prolongée à travers leur héritiers marabouts: on raconte que l’imam Nacer Eddine sanctionnait ceux qui composaient des poèmes romantiques. Il aurait même ordonné de détruire les instruments de musique. Quand les « benu Hassane » ont pris le pouvoir après la guerre de Char Beba, ils ont interdit aux vaincus le port d’armes et leur ont imposé d’instruire le peuple. Les impôts étaient dus moyennant la protection armée. Ceux qui prétendent que c’était le chaos se trompent car malgré quelques affrontements et rapines, la paix et la justice régnaient dans tous les émirats.

Ainsi l’adorable poète et érudit M’hamed Ould Tolba elyacoubi demandait au roi Mohamed Lehbib de ne point quitter le pouvoir pour le bien-être des musulmans. Un autre poète, Elmamoun ould Mhamed Essoufi qualifie Ely ould Ely ould Ahmed chef des Oulad Lab de « lion de Dieu ». Au Brakna, un vers très populaire disait: aucun brigand n’a connu le repos sous le règne de Lebatt ould Hmeiyada. Et que dire alors du grand poète et faquih Mohamed Abderrahman ould Moubarek elgounani lorsqu’il immortalise la paix légendaire d’Ahmed ould M’hamed ? « Personne ne prend à qui que ce soit et nul ne donne à quiconque la moindre chose exceptée l’information ». Il relate même dans un vers la punition d’un rat qui aurait volé un chapelet. Un historien contemporain, Abdelwedoud ould Ahmed Maouloud ould Ntahah relate avec objectivité ce règne qui a instauré l’équité et combattu toute forme d’injustice. Il a eu le bonheur de coïncider avec des grands émirs dans les autres émirats: son oncle Bekar au Tagant, Ely au Trarza et M’hamed Ould Lemhaymide au Hodh. Cette époque a vu une expansion économique remarquable, sans doute la meilleure jamais connue dans ce pays. Quand la justice règne, tout le reste vient avec elle en corollaire.

Sous l’occupation française, l’administration a joué sur les deux cordes : guerrier et marabout pour faire marcher tant bien que mal l’embryon de l’état moderne. Elle s’est servi du guerrier pour assoir son emprise militaire et du marabout pour diffuser sa culture et son commerce. Le colon a donné un grand coup de botte dans le tissu de notre société, bouleversant la hiérarchie pour mieux l’affaiblir. La Mauritanie indépendante s’est inscrite de gré ou de force dans le prolongement de l’état colonial. Notre premier président reflète cette continuité. C’est un guerrier fortement imbibé de la culture maraboutique. Lorsque les militaires lui ont « retiré leur confiance » et qu’ils l’ont remplacé par un guerrier, le bateau fut livré aux vagues. Nous sommes entrés dans un conflit de succession.

Puis vint le marabout Maaouwia qui réussit à redresser la barre et stabiliser l’état durant vingt et un ans. Il fut détrôné par son bras droit le guerrier Aziz, lequel par une autre logique s’est fait remplacer lui-même par son bras droit le marabout Ghazouani. Cette dernière décennie s’est caractérisée par l’extinction de la majorité et de l’opposition, la prolifération des chiffres chimèriques et l’incertitude dans les programmes. La justice patine, la sécurité se fait attendre et l’enseignement se détériore. La riche Mauritanie n’arrive pas à retrouver le niveau de vie qu’elle est en droit d’attendre de ses abondantes ressources naturelles.

La question qui se posera au peuple mauritanien en 2029 est qui choisir, un guerrier ou un marabout ? Avant de répondre à la question, il faut remarquer que les deux périodes de stabilité correspondent alternativement à un guerrier et un marabout. A remarquer aussi qu’elles se sont soldées toutes les deux par un coup de force, guerrier ou marabout. On peut aussi, constater que la somme des  périodes Aziz et Ghazouani fait sensiblement celle de Maaouwiya ou celle de Dadah. En somme il y a eu, jusqu’à présent une alternance presque parfaite entre le règne guerrier et le règne maraboutique.

Cela a commencé par une fréquence de vingt ans, puis dix ans et pourquoi pas, prochainement, cinq ans ? Pour l’avenir il est difficile d’anticiper sur une période de quatre ans vu le changement rapide que connait le monde d’aujourd’hui et la mauvaise visibilité qu’offre notre paysage politique actuel.   Avant 2028, il est vraiment prématuré de pronostiquer. Néanmoins les données actuelles nous permettent d’émettre une projection grossière avec une grande marge d’erreur. Nous voyons déjà se profiler, entre autres, trois coureurs à l’horizon :

Birame qui connait bien le jeu de la longueur d’avance que lui procure sa liberté. Les autres sont tenus par la réserve de leur fonction autant en profiter. Cela dit, attention à l’échauffement qui épuise avant la course. Mais on ne sait pas si Birame jouera son ethnie, sa région ou sa tribu. De toutes les façons il est tenu lui aussi par les signatures municipales qui conditionnent sa candidature. Le premier ministre qui semble jouir de la confiance du palais a de solides assises populaires. Son passage à la Snim a confirmé son allure d’homme d’action. Le ministre de la défense qui a le soutien de l’armée possède plus d’une carte dans ses manches. Il détient le record de longévité dans les hautes sphères du pouvoir. Son sérieux et sa rigueur lui seront d’une grande utilité.

Si Birame se mettait à jouer l’équilibriste entre le guerrier et le marabout nous assisterions à la même alternance  et cette fois-ci ce sera le tour du guerrier. Si par contre il pensait que c’est lui le gagnant potentiel et que les autres n’ont qu’à bien se tenir, là l’alternance prendrait une autre forme, civil ou militaire par exemple, que les électeurs sanctionneraient à leur manière. Dans tous les cas de figure, nos élections n’ont jamais donné un candidat-surprise, il faudra donc attendre patiemment les prochaines élections pour en savoir plus sur le sort que nous réservera l’avenir. Puisse Allah nous épargner les mauvaises surprises et guider nos pas sur le droit chemin.

Elbouss
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