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un grain de sable pour secouer la poussière...

Quelques séquences de l’histoire des Kadihines (partie 18) : La proclamation du PKM/Par Ahmed Salem El Mokhtar (Cheddad)

Jeudi 14 Octobre 2021 - 11:02

Sortir de l’anonymat: La date du1er octobre 1973 fut choisie pour la proclamation du Parti des Kadihines de Mauritanie (PKM). Comme le parti était supposé être inconnu des services de renseignements du pays, la préparation de sa proclamation va prendre plusieurs semaines. Des messages codés furent distribués aux directions locales du parti. Des militants du MND, non membres du parti, furent informés de son existence et préparés pour être associés à l’exécution de l’opération. La déclaration de proclamation fut multipliée par milliers et distribuée à temps aux directions locales. Tous les centres urbains du pays étaient programmés.

Dans un message codé, ultraconfidentiel, il était recommandé de communiquer immédiatement toute fuite, susceptible de compromettre l’opération, au camarade Yeslem Ould Ebnou Abdem à Nouakchott. Son numéro de téléphone fixe fut donné à cet effet. L’exécution de l’opération consistait à dispatcher, à une large échelle, la déclaration dans les rues et les ruelles de chaque agglomération urbaine. Elle était prévue pour la nuit du lundi 1er octobre à minuit. Le communiqué, donnant le feu vert pour l’exécution, devrait figurer, sous une forme codée bien entendue, dans les communiqués populaires de Radio Mauritanie, connus sous l’appellation « Elbalaghatt Echaabia » diffusés régulièrement à 21 heures. L’intitulé du communiqué était le suivant : « La famille telle informe toutes ses relations que leur vieux « tel » sera admis à l’hôpital le lundi prochain ». Les choses se sont déroulées exactement comme prévues. Partout la panique s’empara des autorités.

Le chef d’arrondissement d’Adel Bagrou, croyant qu’il était le seul concerné, envoya, en express, un message par RAC, informant ses supérieurs que «les Kadihines viennent de créer un parti » dans son arrondissement. À ma connaissance Yeslem n’a reçu aucune alerte l’informant d’une fuite quelconque.
Une campagne d’explication et de sensibilisation sur l’événement devrait suivre.
 

L’action révolutionnaire du nord: Atar, capitale de l’Adrar, pour sa position stratégique, abritait notre direction sous-régionale. Elle coiffe, en plus de l’Adrar, les régions de l’Inchiri, de Tiris Zemour et de Dakhlet Nouadhibou. Elle était formée par les responsables du parti dans ces régions. On tint régulièrement des réunions de concertation à Atar. À chaque fois, nous étions les hôtes de l’aimable triumvirat de camarades : Mahmoud, Elghassem et Meyloud. Tous les trois furent renvoyés pour fait de grève. Ils étaient couverts en réalité par l’aura de la grande dame, la maman à Elghassem, notre maman à tous : Mmeymina, la grande militante de la cause Sahraouie. Deux filles du collège d’Atar se distinguaient par leur militantisme, leur dévouement et leur disponibilité. Il s’agissait de feue Nmeila Mint Benhmeida et Bomba mint Lebchir. Rabiaa Mint Hemmedi, une promotionnaire du Lycée National, donnera un coup de main aux deux filles en question après son renvoi pour fait de grève.

Ajoutez au groupe d’Atar, Omar Ould Beyrouk et Salek Ould Elhaj Elmoctar ou petit Salek, pour le différencier de son homonyme, son cousin, mon ami d’Akjoujt. On se servait souvent du petit frère d’Elghassem, 10 ans à peine, pour effectuer des missions entre les quartiers d’Atar. Son bas âge nous permettait de contourner la vigilance de la police. On se servait souvent des lionceaux de sa génération pour ce genre de missions. En simulant l’innocence, ils se permettaient assez souvent de collecter des informations précieuses auprès des autorités et des personnalités importantes.

Une fois, dans le courant du dernier trimestre de1974, nous avons tenu une grande conférence de cadres à Atar. Des délégués des quatre régions concernées y prirent part. Elle débuta en ville dans des conditions d’extrême clandestinité. Suite à un doute éphémère, on la transféra d’urgence en pleine nuit dans la montagne. J’ai présidé plusieurs de ses séances. Certains se plaignaient de ma rigueur en matière de présidence. Ils préféraient celle d’Abdelkader Ould Hamad, le délégué du parti, jugé plus souple. Abdelkader avait, en effet, la capacité de marier la rigueur organisationnelle à un climat de tendresse et de joie. Ça fatiguait moins les participants. À l’issue de cette conférence, je fus désigné comme délégué au congrès du parti PKM.

En mai 1973, le Front Polisario vit le jour, il déclencha la lutte armée contre l’occupant espagnol. Le front est né à Zoueiratt en Mauritanie. Les autorités Mauritaniennes cherchaient encore à l’approcher. Ses premiers militants, comptent dans leurs rangs de nombreux mauritaniens, souvent des militants du MND. Citons-en feu Elkhalil Ould Sid Mhammed, l’ex-ministre Sahraoui, l’ancien étudiant mauritanien à Moscou, décédé récemment. Citons également, Mohamed Lemine alias Petit Rouge, originaire d’Akjoujt, un bout d’homme d’une grande efficacité. Les débuts du Polisario dans ces conditions, nous imposaient un certain nombre de devoirs. La plupart de ses dirigeants étaient liés à notre direction de Nouakchott.

Pour eux, Akjoujt, Atar et Zoueiratt constituaient des passages obligés.
Bénéficiant de la complicité du mouvement, leur publication, « 20 mai », date correspondant à la naissance du Polisario et au déclenchement de sa lutte armée, est dactylographiée à Nouakchott, puis convoyée, par nos agents de liaison, via Akjoujt et Atar, jusqu’à Zoueiratt avant d’être acheminée dans les maquis et camps de réfugiés Sahraouis. Des campagnes de collectes d’aide au profit du peuple Sahraoui sont organisées par les représentations du MND à travers toute la Mauritanie. Des tonnes de médicaments et de grandes sommes d’argent sont réunies à chaque fois pour eux. Dans ces campagnes, Mohamed Vall Ould Bellal dit Vali, le représentant du parti et du mouvement à Rosso a battu tous les records. Il fut le premier à réussir à dépasser le million d’ouguiyas  en matière de collecte au profit du peuple Sahraoui.

Rappelons que Vali suivait des études de médecine à l’université de Dakar (en 4e ou 5e année), lorsqu’il obéit à un ordre du mouvement en 1971 d’interrompre ses études et de s’installer à Rosso où il va prendre la tête du mouvement MND local. C’était un exemple rare d’abnégation et de discipline. À Rosso, il travaillait officiellement à Rosso-Transit, chez feu Didi Ould Soueidi. Ce dernier ne manquait pas d’être complice dans cette affaire.

Vali se donnait le nom de Nguyen Van Troy, un jeune militant vietnamien qui avait attenté à la vie de Robert Mac Namara, le ministre Américain de la défense de l’époque. Suite à cet attentat manquén Troy fut fusillé. Pour honorer sa mémoire, sa femme, qui était loin d’être militante, écrivit aussitôt un livre, un bestseller, titré : « Cette voie qui fut la tienne ». Il était très lu par nos propres militants. Etait également beaucoup lu «L’indomptable » de Lu Duc Tho, un détenu vietnamien, qui fut sauvagement torturé dans la sinistre prison de Poulo Kondor. Ce Lu Duc Tho, dirigera avec succès les négociations de Paris, dans la fameuse Avenue Kleber, négociations qui vont mettre fin à la guerre du Vietnam en 1975.
 

La nationalisation de la Miferma : Au niveau national, deux événements majeurs marquèrent l’année 1974 : le symposium et la nationalisation de la Miferma. Le premier fut l’occasion pour des centaines de participants, toutes tendances confondues, de palabrer pendant plusieurs jours sur l’ensemble des questions d’intérêt national. A travers un tel déballage, le régime voulait jauger la capacité de ses adversaires et tester surtout leur volonté de composer avec lui. Les débats furent dominés par la dénonciation de l’emprise des intérêts étrangers sur l’économie nationale. L’accent fut mis sur la place centrale de la Miferma dans ce domaine. Il se pourrait que la décision de sa nationalisation était née à partir de là. Vadel Ould Dah, un cadre dirigeant du mouvement, se distingua beaucoup dans ce symposium. Les gens appréciaient surtout sa capacité de synthèse lorsqu’il réussit à résumer en 5 minutes (le temps accordé à chaque intervenant), la situation générale du pays.

Pour minimiser la grande portée de ce symposium, certains, jouant sur le temps de parole, le qualifiaient de « démocratie des 5 minutes ».
Le 28 novembre 1974, lors de son discours officiel à l’occasion de la fête de l’indépendance nationale, le président Mokhtar annonça une décision historique : la nationalisation de la MIFERMA. Cet État dans l’État, comme on l’appelait à l’époque. Même le MND fut secoué par la surprise. Il manifesta son soutien malgré tout. Exprimant leur gêne, le président du PKM, en ce moment, probablement Ould Ichidou, mettait en garde contre l’excès d’optimisme. « Au nom des masses populaires », écrivait-il dans un petit poème en Hassania, « il faut informer les travailleurs, que tout n’est pas encore joué : il reste encore la libération, le pain et bien d’autres choses ».

Pour sa part, Ahmed Ould Mohamed Saleh, le ministre de l’intérieur, a tenu à rassurer l’aile conservatrice du régime, notamment les notabilités traditionnelles. Dans une lettre confidentielle, envoyée, au lendemain de la nationalisation de la MIFERMA, sous forme de circulaire à toutes les administrations du pays, écrite en français, il demande à celles-ci de prendre contact rapidement avec les notables et les amis du système pour les rassurer. « Il faudra leur expliquer », note Ould Mohamed Saleh, que « la mesure de nationalisation de la société des mines ne signifie nullement une rupture avec la France ». «Il faudra leur dire, qu’il s’agit tout simplement d’arracher à l’opposition ce « Atach Albaa » (gros bâton ou massue, figurant en Hassania dans la circulaire) dont elle se sert contre nous », précise le ministre Ahmed Ould Mohamed Saleh.

(A suivre)

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