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Evasion des terroristes de la prison Nouakchott: Qui l’a organisé et comment s’est-elle terminée ?

Mardi 7 Mai 2024 - 00:44

Début de soirée du 5 mars 2023. Des coups de feu éclatent à l’intérieur de la prison civile de Nouakchott qui abrite une aile où sont détenus plus d’une vingtaine de terroristes condamnés à des lourdes peines, dont la peine capitale. Quatre terroristes -dont l’un a tiré à bout portant sur un garde quelques instants auparavant sortent en courant. L'un deux, se retourne et lâche une rafale en direction de deux gardes qui les poursuivaient. Un garde s’écroule, fauché à mort. Le deuxième garde rebrousse chemin. Il faisait déjà nuit. Les fugitifs traversent alors l’avenue «Gamal Abdel Nasser» la plus grande Nouakchott en face de la prison et braquent un automobiliste qui y stationnait, téléphone collé à l’oreille. L’automobiliste est éjecté hors de son véhicule, lequel, repart en trombe avec quatre terroristes à bord. Un deuxième automobiliste dont le véhicule a été effleuré par celui des fugitifs dans sa fuite, les poursuit. Il reçoit une rafale qui lui fait vite changer d’avis.
C’est le début d’une sanglante cavale ayant couté la vie à deux gardes et qui se terminera par la neutralisation par les gendarmes d’élite du GARSI de trois terroristes et la capture du quatrième, le 11 mars à «Lemseidi», un massif montagneux de l’Adrar mauritanien à des centaines de kilomètres au nord de Nouakchott.
 
Qui a organisé l’évasion ?
14 personnes et l’unique survivant parmi les quatre évadés ont été présentés fin mars 2023 à la justice dans le cadre de l’enquête menée sur les circonstances de l’évasion. Le juge a délivré huit mandats de dépôt et placé cinq personnes sous contrôle judiciaire.
Il ressort des enquêtes que l’évasion préparée ,en fait, depuis mars 2022 (une année auparavant) était organisée par deux meneurs: Salek Ould Cheikh et Mohamed Ould Chbih anciens membres d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) en détention depuis plus d’une décennie, avec la complicité deux autres jeunes détenus, incarcérés depuis 2021 : Abdel Kerim Aboubecr Sedigh et Mohamed Yeslem Mohamed Abdellahi.
 
L’organisateur principal Salek Ould Cheikh en était à sa deuxième évasion après celle de 2016 où il avait été rattrapé en Guinée Buissau et ramené à Nouakchott. Lui et les trois autres évadés ont -selon des sources bien informées- rompu avec AQMI et prêté allégeance à l’Etat Islamique dans le Sahara (EIS). «C’est Reggani un arabe malien commandant au niveau de l’EIS -frère de l’un des évadés - qui a financé l’évasion, en fournissant à partir de Tombouctou (Mali) un véhicule tout terrain de type hilux -dans lequel deux caches ont été aménagées pour un montant important en Euros ainsi que pour des armes», précise une source sécuritaire qui a souhaité garder l’anonymat. «Le véhicule a été acheminé de Tombouctou à Nouakchott en janvier 2023 et placé dans une cache à Teyaret, en attendant le jour J», poursuit cette source.
 
Entre-temps l’argent caché dans le véhicule acheminé de Tombouctou est prélevé par Mohamed Alioune dit Abou Oussama et a coulé à flots pour s’acheter des fidélités dans les milieux salafistes spécialement de la gent féminine, ainsi que pour l’équipement du véhicule dans sa cache en provisions indispensables pour une longue odyssée dans le grand désert menant de l’Adrar mauritanien vraisemblablement vers l’immense désert du Taoudenni au Mali.
 
Mohamed Alioune dit Abou Oussama qui est en fait beau-frère de Salek Ould Cheikh ( qui se marie souvent en prison) a joué le rôle principal dans les préparatifs de l’évasion : c’est lui qui était parti à Touba au Sénégal en mars 2022 pour chercher à acheter des armes avant que l’EIS ne décide en septembre 2022 de prendre en charge l’évasion , c’est lui qui a réceptionné le véhicule envoyé depuis Tombouctou, c’est lui qui a échangé en monnaie locale les 19.700 euros cachés par l’EIS dans le véhicule, c’est toujours lui qui a fait introduire en prison un frigo contenant deux pistolets automatiques avec lesquels un garde a été tué. Et c’est enfin lui,qui a rejoint les évadés à la cache du véhicule à Teyaret (nord de Nouakchott).
 
C’est vers cette cache que les quatre évadés s’étaient rendus dans les minutes qui ont suivi l’évasion pour récupérer le véhicule et sortir de Nouakchott à travers les dunes situées à l’est de la ville. Et pendant que les forces de défense et de sécurité mauritaniennes avaient sonné l’alerte et étaient sur le qui-vive passant Nouakchott au peigne fin, les fugitifs sortaient de Nouakchott, empruntant des pistes secondaires, en direction de l’Adrar, guidés par GPS.
 
La fin de la cavale
 
Dans leur fuite vers l’Adrar, les évadés ont soigneusement évité les routes nationales nationales sous surveillance sécuritaire. Mais l’utilisation des pistes secondaires ne va pas non plus, leur garantir l’anonymat : les témoignages recueillis vont le prouver. Dès l’après-midi du 9 mars non loin de «Chtib» en Adrar, un transporteur rencontre des hommes qui lui demandent où ils peuvent acheter un pneu, du tabac et avoir le signal du réseau téléphonique . En se séparant d’eux, son compagnon lui dit qu’il les a trouvé louches. Le 10 mars, ce sont des gamins de «l’oued d’Amazmaz» et de « Jweylat» qui ont rapporté avoir rencontré des hommes cherchant où ils peuvent acheter de la colle pour pneu et du tabac. Il est quasi certain que des signalements sont remontés depuis lors. En tout cas, l’après-midi du 10 mars les gendarmes étaient sur les lieux. Et la matinée du 11 mars l’aviation militaire qui a repéré le véhicule ensablé des fugitifs rodait dans les airs et guidait semble-t-il, la progression des super gendarmes du GARSI vers les terroristes évadés . Retranchés entre deux monts pierreux de «Lemseidi» inaccessibles aux véhicules, les évadés attendaient l’arme au poing. Mohamed Ould Chbih tire le premier et touche mortellement un gendarme dont le frère d’arme réplique et l’abat. Salek Ould Cheikh tente de récupérer l’arme de son compagnon abattu, est à son tour, fauché par les balles. Un troisième évadé tire en direction des gendarmes qui ripostent et l’abattent. Le quatrième fugitif Abdel Kerim Aboubecr Sedigh frère d’un commandant malien de l’EIS jette son arme, sort de sa cache et se rend: c’est la fin de la cavale.
 
Qui sont sur les meneurs ?
 
Mohamed Ould Chbib dit Rassoul et Abou Mujahid
• Né en 1984 à Néma.
• Ancien chauffeur de taxi.
• Présence dans les groupes armés du nord-Mali depuis août 2007.
• Participation à l'attaque Al-Ghalawiya en 2007 contre une patrouille de l'armée mauritanienne.
• Participation à l’attaque de Tourine en 2008 contre une unité de l'armée mauritanienne.
• Participation à une attaque contre une unité de l'armée malienne dans la région de Zbar en 2009.
• Participation à l'assassinat d'un officier des renseignements de l'armée malienne en 2009 à Tombouctou.
• Participation à une mission de collecte des coordonnées GPS dans l'Adraren 2009.
• Implication à partir des camps d’Aqmi dans un projet d’enlèvement d’européens en 2010. Projet abandonné après le démantèlement d’une cellule dormante à Nouakchott.
• Interpellé à la mi-septembre 2010 avec d’une ceinture explosive qu'il prétend avoir désactivé et jeté à la poubelle.
• Jugé et condamné à mort.
• Participation à la mutinerie des détenus salafistes de la prison civile de Nouakchott en 2015.
Salek Ould Cheikh dit Abu Qasurah
• Né en 1984 à Atar
• Ancien gérant d’une bibliothèque audio salafiste
• Porteur d’une somme d'argent pour les auteurs de l'assassinat de ressortissants français à Aleg lors de leur passage à Dakar (Sénégal) en 2007.
• Présence dans les groupes armés du nord- Mali depuis fin 2008.
• Participation à une attaque contre une unité de l'armée malienne dans la région de Zbar (Mali) en 2009.
• Mission de reconnaissance pour Aqmi à Chinguetti début 2009.
• Brouille avec Aqmi pendant plusieurs mois avant de la rejoindre à nouveau en novembre 2010.
• Des séjours au Sénégal et en Guinée-Bissau.
• Membre du groupe qui devait commettre deux attentats-suicides déjoués en février 2011 contre l'Ambassade de France à Nouakchott, le ministère de la Défense et de la Direction générale de la sûreté nationale.
• Arrêté en février 2011.
• Jugé et condamné à mort.
• Evadé de la prison civile de Nouakchott le 31 décembre 2015 et arrêté en Guinée-Bissau quelques jours après et ramené en prison .
Isselmou Salihi
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