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Observations partielles sur l’assignation à domicile de l’ancien président de la République (1).* /Par maître Taleb Khyar o/ Mohamed Mouloud, avocat à la Cour

Lundi 21 Juin 2021 - 18:33

Le pool chargé de l’instruction dans le dossier dit « Dossier de la lutte contre la corruption » a rendu en date du 11 Mai 2021, une ordonnance assignant à domicile l’ancien président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz.
Cette ordonnance intervient en violation des engagements internationaux de la République Islamique de Mauritanie tels que prévus par le Pacte international des droits civils et politiques auquel la Mauritanie est partie prenante, comme elle intervient en violation de l’ensemble de la législation pénale applicable en Mauritanie, et de manière particulière, celle régissant la mise sous contrôle judiciaire.

Commençons par signaler qu’à ce jour, le dossier de l’ancien président n’a toujours pas été communiqué à ses avocats, en parfaite méconnaissance, et en toute ignorance de l’article 14 du Pacte international des droits civils et politiques, dûment ratifié par la Mauritanie qui dispose que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle…..à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ».
L’applicabilité de ce Pacte, et son effectivité sont repris par la loi n°027/99 du 20 juin 1998 publiée au journal officiel en date du 9 décembre 2014.

L’ordonnance assignant à domicile l’ancien président intervient également en violation des principes de base relatifs au rôle du barreau adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies en son article 21 ainsi libellé : «  Il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que les avocats aient accès aux renseignements, dossiers et documents pertinents en leur possession ou sous leur contrôle, dans des délais suffisants pour qu'ils puissent fournir une assistance juridique efficace à leurs clients. Cet accès doit leur être assuré au moment approprié et ce, sans aucun délai ».

L’ordonnance intervient également en violation du caractère équitable et contradictoire de la procédure pénale, et de manière générale du principe d’égalité des armes tel qu’énoncé par l’article 5 du code de procédure civile mauritanien en ces termes : « Chaque partie a le droit de prendre communication, en temps utile, des pièces de la procédure, de tous les documents et moyens de preuve produits par la partie adverse et des moyens de droit qu’elle invoque ».

Il résulte de tout ce qui précède que l’ancien président de la République n’est pas traité comme un sujet de droit, et que son assignation à domicile est une voie de fait comme d’ailleurs tous les actes de procédure qui ont émaillé à ce jour ce dossier qui n’a de judicaire que le nom, qu’il s’agit d’une conspiration montée de toutes pièces contre l’ancien président, conspiration qui se nourrit de la violation de la loi comme seul levier, comme seule matière ; que cette affaire est d’ordre extra-judiciaire, que son fait générateur unanimement reconnu est un conflit sur la paternité du parti UPR, occasionnant la mise à contribution de forces politiques et tribales influentes contre l’ancien président.

Tout citoyen a donc le droit d’en connaître les tenants et aboutissants, conformément au droit à l’information tel que prévu par l’article 2 de l’ordonnance n°017/2006 ainsi libellé : « le droit à l’information et la liberté de la presse, corollaire de la liberté d’expression, sont des droits inaliénables du citoyen ».
 

1) Les circonstances de l’assignation à domicile de l’ancien président.

Il est acquis que l’audience du 11 mai, tenue le dernier jour d’avant la fin du ramadan (la veille d’El Vitr) avait été requise par le parquet devenu juge et partie, pour porter davantage, et de manière toujours plus flagrante, atteinte aux droits de l’ancien président à une justice équitable, porter atteinte à son droit à l’exercice de ses droits civiques, et pour sanctionner son droit à s’exprimer librement comme tout un chacun, sur ses ambitions politiques, droit dont il a fait usage lors de sa dernière conférence de presse tenue la veille de son audition alors que la « liberté d’opinion, de pensée,  d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation politique de son choix » sont des droits garantis expressément par la Constitution, en ces termes : « L’Etat garantit à tous les citoyens (sans discrimination) les libertés publiques et individuelles, notamment (…) la liberté d’opinion et de pensée, la liberté d’expression, la liberté de réunion, la liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation politique ou syndicale de leur choix ».

L’objectif recherché à travers cette audition était aussi, d’amener l’ancien président à réagir favorablement aux questions qui lui seraient posées par le pool d’instruction, en renonçant à se prévaloir de l’article 93 de la Constitution, et dans le cas contraire, de considérer cette attitude comme un obstacle au fonctionnement de la justice, pour justifier de la sorte son isolement, en l’assignant à domicile.
Tout un scénario avait été imaginé, en commençant par le refus programmé du pool chargé de l’instruction de prendre acte de la constitution de partie civile faite par le Bâtonnier, suivi d’un mitraillage de l’ancien président par un ensemble de questions dont la plus révélatrice de l’objet de l’audition est la suivante :« Avez-vous une nationalité autre que la nationalité mauritanienne ? ». S’agit-il d’une provocation, ou d’une insinuation visant à rééditer le scénario d’intelligence avec l’ennemi après le flop de l’île de Tidra ? Les instructeurs ont-ils perdu de vue que la législation mauritanienne autorise la possession de plusieurs nationalités ? La Mauritanie a bien été présidée par feu Bâ Mbaré, que Dieu l’accueille en son saint paradis, qui était porteur d’une autre nationalité à côté de la nationalité mauritanienne.

« Je me prévaus de l’article 93 de la Constitution », reprenait sereinement l’ancien président de la République sans perdre son sang-froid, avant que l’interrogatoire ne prenne un ton menaçant : « Pourquoi refusez-vous de répondre aux questions des enquêteurs alors que vous répondez aux mêmes questions devant la presse et devant les caméras des médias ? (allusion à la conférence de presse tenue par le président la veille de son audition).

« Je maintiens pour ma défense l’article 93 de la Constitution qui me garantit une immunité et un privilège de juridiction, et je ne le fais pas pour défier la justice, mais bien parce qu’il s’agit d’une disposition constitutionnelle qui me protège, et dont j’ai le droit de me prévaloir ; invoquer l’article 93 est à la fois un respect de la Constitution, de la légitimité, de la légalité et du principe de séparation des pouvoirs sans lequel il n’est point de justice indépendante, garantie essentielle d’un procès équitable ». (C’était la première fois que l’ancien président se livrait à un commentaire, fût-il sommaire, du texte de l’article 93 de la Constitution) et là, le pool lui adressa la question suivante : « Existe-t-il une décision émanant de l’ordre judiciaire ou du Conseil constitutionnel, t’exonérant de toute responsabilité ou s’opposant à ce que les juridictions de droit commun se saisissent de ton cas ? L’ancien président répondît qu’il s’en tient aux dispositions de l’article 93 de la constitution qui le « prémunissent contre toutes poursuites, et dont les dispositions sont supérieures aux décisions de quelque nature qu’elles soient, qu’elles émanent de l’ordre judiciaire ou d’un quelconque autre ordre juridictionnel ».

Et le pool de poursuivre : Ne considères-tu pas que le pool chargé de l’enquête t’a mis dans des conditions te permettant de préparer ta défense dans de bonnes conditions, en te soumettant simplement à un contrôle judiciaire avec comme seule obligation d’émarger trois fois par semaine sur le registre de présence de l’organe chargé de la répression des crimes économiques ? Que répondrais-tu si le pool chargé de l’instruction décidait d’aggraver les mesures de contrôle judiciaire auxquelles tu es soumis ?
L’objectif recherché par le pool chargé de l’instruction venait d’être dévoilé ! Il s'agissait bien d’amener l’ancien président à répondre favorablement aux questions des enquêteurs, en renonçant à se prévaloir de l’article 93, ou s’exposer à voir les conditions de sa mise sous contrôle judiciaire s’aggraver.

C’est ce qui advînt, lorsque le pool décida, à l’issue de cette audition, d’assigner à domicile l’ancien président.
En aucun moment auparavant, le pool n’avait envisagé d’aggraver les mesures du contrôle judiciaire, ni le parquet qui fait l’honneur à l’ancien président d’assister à toutes ces auditions, et seulement à celles-ci et à nulles autres ; la défense n’a jamais été non plus notifiée de ses réquisitions en vue d’une quelconque modification des mesures du contrôle judiciaire, même si un journal de la place avait révélé la veille de l’audition que : «Selon une source de « El Mourageb », la convocation de l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz vise à lui poser des questions sur l’évolution du dossier et sur certains points importants, sauf qu’on ne s’attend pas à ce qu’il y ait une quelconque évolution aussi longtemps que l’ancien président refuse de collaborer avec le pool d’instruction, qui pourrait être amené à prendre de nouvelles mesures à son encontre ».

                                                                                              (A suivre)

*Maître Mohameden ould Icheddou est l’auteur de ce texte traduit en Français par maître Taleb Khyarould Mohamed Mouloud          

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