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un grain de sable pour secouer la poussière...

Article 38 et wahhabisme constitutionnel : Aziz indexe les européens...

Vendredi 24 Mars 2017 - 03:33

Finalement, par respect pour son Excellence, j’ai pu trouver le temps de l’écouter entièrement et attentivement.  Au sortir de cette expérience visuelle et auditive, un peu comme la dernière innovation de Samsung ou d’Apple, je reste troublé...

 

Bien entendu, si Aziz s’adressait à la minorité pensante soit silencieuse soit active sur le net confidentiel, on pourrait estimer cette sortie sans intérêt car Aziz dit ce qu’il  veut sachant que personne ne le contredira jamais sérieusement ni ne le mettra en difficultés sinon ceux qui ont choisi ces journalistes en paille perdaient leur emploi sur-le-champ.

 

Par contre si on essaye de comprendre comment la communication est orchestrée, on découvre qu’Aziz a réussi un coup de maître de politicien sans états d’âme ni scrupules, l’essentiel étant de convaincre le plus grand nombre d’électeurs.  Un jour, à l’université ou dans les académies militaires, on enseignera peut-être comment un général civilisé a pu imposer ses volontés à tout un pays en jouant de toutes les faiblesses de l’articulation démocratique, avec une liberté d’expression totale et des prisons  vides de tout détenu d’opinion à l’exception de Ould Mkheitir.  

 

Ce miracle dictatorial est possible dès que le plus grand nombre est non seulement ignorant mais qu’en plus le pouvoir maîtrise tous les canaux d’information par lesquels le peuple peut s’informer sans risquer de croire aux lendemains meilleurs promis par une opposition discréditée, réduite à de la figuration pour confirmer la nature démocratique du régime.


Ces canaux d’information ne sont d’ailleurs pas multiples : il n'y a que la rumeur héritière du téléphone arabe, la télévision et la radio ; internet de part la médiocrité et la mauvaise foi des opposants n’étant qu’un outil de plus pour le pouvoir pour laisser les opposants s’exciter, les rumeurs se propager, les pétards exploser avant d’intervenir à la télé pour laminer tout ça.

 

Tout cela m’a frappé hier.  En me promenant, j’ai vu une hartania seule à 20H30 en train de regarder Aziz dans son Mbar, sorte de cabane en zinc, tissus et grillage sur un sol en ciment. Elle dînait et était entièrement captivée par le discours du chef de l’état. En regardant cette scène, j’ai compris qu’Aziz a réussi son coup comme le ferait n’importe quel politique de notre époque sur les 4 continents : convaincre qu’importe la mauvaise foi ou les ressorts cachés, convaincre de sorte à gagner des voix.

 

C’est ainsi que Trump a gagné, c'est ainsi que le brexit est passé à base de mensonges, c’est ainsi qu’en France Marine le Pen est aux portes de l’Elysée et ses idées dédiabolisées, c’est ainsi qu’en Israël la droite criminelle tient le pays par la peur des palestiniens, c’est ainsi que Poutine est au pouvoir etc.

 

La hartania ne va entendre que des choses qui peuvent paraître vraies sans jamais qu’elle puisse réaliser que c’est une vérité douteuse.  Par exemple, à propos de l’usage de l’article 38, personne de l’assistance ne peut contredire Aziz car cet article existe et il est clair comme dit Aziz mais la hartania peut-elle savoir qu’on ne peut pas sortir un article de son contexte et en avoir une lecture littérale à moins de faire du wahhabisme constitutionnel.

 

Un article n’a de sens de par rapport à tous les autres. Il faut voir si le sujet qu’il aborde est traité ailleurs dans la constitution comme c’est le cas avec le référendum et voir quelle est la cohérence de tout ça. 

 

Prendre un article seul et lui faire dire ce qu’il dit sans le confronter au texte auquel il appartient, c’est cela qui a donné le terrorisme islamique vu qu’il s’agit de prendre un verset qui dit clairement qu’il faut tuer les mécréants ou faire ceci et cela sans se soucier de ce qui dit l’esprit du Coran pris dans sa globalité.

 

La constitution n’est pas le coran mais c’est pareil pour n’importe quel document de droit ou même document tout court. On ne peut pas même dans un livre ou une interview sortir une phrase et dire voilà ce que dit l’auteur. De là le devoir en droit de motiver l’interprétation.

 

 

Aziz s’est contenté de dire qu’il a consulté les plus grands constitutionnalistes de ce pays, apolitiques de surcroît mais il s’est bien gardé citer leurs noms ni de mettre à la disposition des citoyens les motivations juridiques de ces experts de l’ombre. Le Pr Lo Gourmo a eu un bon mot en parlant de « travailleurs au noir… ».

 

Ces constitutionnalistes de l’ombre, invisibles comme des puissances surnaturelles, rappellent ces oulémas du pouvoir censés avoir cautionné la proposition de loi contre les violences basées sur le genre. On n’a jamais su de qui il s’agissait, de là certainement que le pouvoir a pris la fuite sitôt les conservateurs vent debout. Autant en emporte le vent…

 

Pour tout le reste de la sortie d’Aziz, c’est pareil. Il s’agit d’accommodements avec la vérité mais tout ce qu’il dit sur d’autres sujets n’est pas faux. Ce serait trop long de reprendre cette sortie à la lumière du public ciblé.

 
 

Article 38 et wahhabisme constitutionnel : Aziz indexe les européens...

Juste un mot à propos de ce qu’il a dit à propos des européens et des étrangers en général. C’est très important à l’heure de la volonté du pouvoir de réviser l’histoire en indexant celles et ceux qui ont construit ce pays en collaborant au noble sens du terme avec les colons.

 

Là encore pour qui connaît Aziz, nul ne peut l’accuser en personne d’être ni raciste ni anti-européen. Toutes les informations venant de son entourage le plus proche, confirment cette réalité présumée. Aziz est un fils de la Mauritanie plurielle, fils de l’esprit commerçant au noble sens du terme, c’est-à-dire qui veut plaire au client de sorte qu’il soit fidèle à sa boutique.

 

L’esprit commerçant, que des intellectuels mauritaniens brocardent souvent, n’est pas petit ; bien au contraire, c’est un esprit fort de la connaissance du genre humain et de la meilleure façon de convaincre. En cela, la renommée du commerçant mauritanien dans le monde entier a été celle-là. Pour ne parler que du maure commerçant, il a toujours été souriant, accueillant et prêt à tout à n’importe quelle heure pour vendre. 

 

Avec le déclin de la société, il est toujours prêt à vendre mais à vendre n’importe quoi et parfois même sa dignité au plus offrant ; quant à son âme, le diable en fait parfois ce qu’il veut. De là toutes ces contrefaçons parfois dangereuses pour la santé.

 

Maintenant que toutes les petites boutiques sont presque mortes, on trouve encore ce maure d’hier dans les boutiques du marché qui vendent les boubous de bonne qualité. Je suis toujours frappé par une certaine douceur dans le regard et un humour toujours disponible.

 

Pour en revenir à Aziz, c’est un politicien commerçant qui veut convaincre le plus grand nombre or ce plus grand nombre est nationaliste d’autant plus sensible qu’il se sent humilié dans le monde arabe auquel il appartient. Humilié face à l’occident, faible, pauvre, dépassé par la science et presque tout quand il sait appartenir à un monde qui fut il y a plusieurs siècles au sommet de la civilisation.

 

Aziz parle à ce monde le langage de la fierté, le langage du nationalisme, il se présente comme celui qui restaure la fierté d’un peuple résistant, d’un pays désormais indépendant du colon.

 

Ainsi il a déclaré que ceux qui vont dans les chancelleries occidentales croyant y trouver de quoi faire pression sur l’état mauritanien se trompent. Il insiste en disant que sous son autorité aucun européen ne peut entrer lui dire de faire telle ou telle chose sinon comme une requête polie du bout des lèvres  mais pas un européen ne peut lui dicter sa conduite.


A propos de Mkheitir, il a dit que l’étranger vient toujours se mêler des affaires des pays musulmans dès que quelqu’un s’en prend à la religion ou au prophète PSL. Il a cité l’Iran, l’Afghanistan et il ajouta d’ailleurs, ce qui est bien joué pour sauver Mkheitir, que souvent ces activistes ne croient pas un mot de ce qu’ils racontent, l’essentiel étant de se faire de la publicité.

 

Aussi, dit-il à l’assistance, il ne faut pas faire le jeu de l’étranger et laisser faire la justice mauritanienne et pour bien montrer de quel côté il est : il a dit que certains (diplomates) lui ont demandé de libérer Mkheitir et qu’ils se chargeraient de l’exfiltrer.

 

Cela dit, il a aussi marqué un coup contre le mouvement El Nosra en disant que cette affaire regarde la justice, en rappelant à une journaliste que toute justice de l’état est islamique. Il peut le faire car actuellement EL Nosra en est pleine guerre sur whatsapp contre leur ami l’avocat de la peine de mort Sidi Moctar Ould Sidi victime du tezabout du militant forgeron. Les insultes fusent, c’est le chaos dans le mouvement comme si le pouvoir avait sonné la fin de la récréation en distillant l’azizanie…

 

De même à propos de la route de Rosso complément délabrée : il a dit que c’est la faute de la lenteur de procédure européenne car la Mauritanie devait en construire 20%,  ce qu’elle va faire, le reste a été donné à une entreprise portugaise qui n’a pas pu assumer. Bilan la Mauritanie fait ce qu’elle peut, le reste serait dû aux européens (qui ne sortent pas les financements).

 

Il a aussi parlé du dosage de la zone rouge sur le territoire vu par la France, je me souviens du passage mais je ne retrouve plus les mots exacts mais c’était de la même veine, il a expliqué qu’ils peuvent tout mettre en rouge ou vert cela ne change rien à la réalité sécurisée du terrain.

 

De la même manière il a parlé de pression occidentale pendant la crise gambienne, mais cela n’a rien changé à sa politique.

 

Voilà ce qu’il a dit à propos des européens en bon commerçant du nationalisme toujours à la recherche d’un bouc émissaire.

 

Aziz est tel qu’on l’a vu sauf que cette fois, il n’a pas monté son regard noir disent les français,  l’œil rouge disent les maures. Il a parlé comme il faut à un public ciblé, le tout aidé par des journalistes choisis pour que l’exercice soit une réussite en matière de propagande.

 

 

Pour ma part, je pense qu’Aziz est encore là pour très longtemps d’une manière ou d’une autre sauf si Dieu en décide autrement.  Il faut noter un moment assez émouvant car Aziz croit en ce qu’il fait : il a dit pour la première fois à la télévision «  raïsskoum » ( votre président ) 

 

D’habitude il répète «  moi en tant que président ». C’est le ton d’un roi au seuil du sacre. Un homme qui s’inscrit dans la durée.  S’il reste autant que sa rhétorique l'annonce, il y  aura alors dans l’histoire de la république : celle de la colonisation sans laquelle pas de pays, celle de Moctar Ould Daddah  sans laquelle pas d’indépendance et la sienne sans laquelle pas de restauration de l’ordre ancestral (guerriers, marabouts, gueux) devenu militaires, politiques, peuple.

 
 

Aziz est parti pour marquer l’histoire, récréer les symboles de l’état, marquer durablement la société. Qui peut l’arrêter ? Après tout mettre tout à plat, pourquoi pas ? Dommage de le faire précipitamment sans le temps qu’il faut pour débattre, entendre les idées de l’élite de tous bords pour reconstruire avec cohérence et progrès.

 

Eh bien, que les amis la première république sortent défendre le drapeau s’ils osent car cela signifierait être opposant avec les conséquences que cela implique face à un régime terrible quand il s’agit d’intimider. Ainsi, la radio nationale aura servi à traiter de traitres des sénateurs car ils ont voté en leur âme et conscience.

 

Aziz est un militaire de carrière, il n'aura jamais la mentalité d'un civil.  De là que ce qui choque un civil est tout à fait normal pour lui. Par exemple être entouré de partisans soumis comme des petits soldats qui doivent répondre aux ordres uniquement. On ne leur demande pas de discuter les ordres des supérieurs qui sont censés en savoir plus qu’eux.

 

Ainsi quand Aziz dit qu’il n’est pas homme à démissionner, c’est au sens guerrier du terme. C’est pour dire qu’il n’abandonnera pas ses responsabilités.  Il appartient aussi à cette génération de mâle qui doit paraître infaillible sinon il ne serait pas digne d’être chef dans l’imaginaire du public auquel il s’adresse ; ce plus grand nombre que les opposants appellent le peuple souverain…

 
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