Quand j’ai reçu le communiqué, j’ai répondu à l’envoyeur que je n’aime pas commenter les communiqués de l’armée surtout ceux de l’état-major général. Lors de l’affaire du viol de la française, nous n’avions pas hésité à critiquer la sortie télévisée d’un haut cadre de la sûreté nationale à ce sujet car nous avions à l’époque des témoignages proches de la famille de la victime. Inutile de commenter ces communiqués car vous ne trouverez nulle part au monde un état-major qui désavoue publiquement un soldat, ni même un ministre de l’intérieur qui s’en prenne ouvertement à un policier sous le coup d’une enquête pour bavure présumée et ce, même dans les vieilles démocratiques. Même au Vatican on essaie d’étouffer les scandales à propos des hommes d’église amateurs de petits garçons.
Il faut vraiment un scandale retentissant dans une démocratie pour que la hiérarchie prenne ses distances afin d’éviter la fureur des électeurs. Chez nous, on a vu récemment dans l’affaire au Ksar, vidéo à l’appui, un jeune déshabillé par des forces de l’ordre obligé de revenir sur ses déclarations et nier les faits qui se seraient produits dans un autre pays selon même notre ministre de l’économie à l’assemblée qui se mêle de ce qui ne le regarde pas.
Cette fois, on se permet un mot juste pour que l’état-major général des armées fasse des efforts en matière de communication non seulement pour améliorer sa crédibilité mais surtout pour ne pas qu’il y ait un conflit de version en matière de responsabilité par rapport à la sortie de la présidence.
Quand on lit ce communiqué avec plusieurs fautes d’orthographe certainement imputables à l’AMI, on retient que les services de sécurité ont agi en légitime défense : pourquoi alors le chef de l’état s’est-il excusé ? Il faudrait donc communiquer entre les services pour éviter ces divergences de responsabilité, ou du moins trouver des mots qui épargnent la sortie du chef de l’état.
Légitime défense présumée : selon le communiqué, la pirogue voulait foncer sur le bateau de surveillance dans le but de l’endommager. Qui peut croire qu’une pirogue de pêcheurs armés de filets et peut-être de poissons comptait s’en prendre à un bateau militarisé comme des kamizases sans explosif n’ayant que leur embarcation en bois à fracasser contre un bateau de surveillance autrement plus solide et plein d’hommes armés prêts à faire feu ?
Une telle version ne peut venir que des responsables de l’équipage présents. L’état-major ne peut les désavouer et nous n’étions pas présents pour savoir ce qui s’est passé. Reste la crédibilité. Que va-t-il se passer quand les sénégalais survivants vont donner leur version ? Il ne restera quasiment rien du communiqué de l’état-major qui se termine sur un ton radical, estimant que les forces de sécurité ont droit d’user de tous les moyens à leurs dispositions pour protéger les eaux territoriales et leurs ressources.
Reste qu’invoquer un accident est une absurdité quand on sait que sur une pirogue de ce genre, le moteur est tout petit et le pilote est collé à l’engin. Il faut être un tireur d’élite avec une arme de sniper ou être à 1 m pour ne toucher que le moteur car tout tir vers l’un risque immanquablement de toucher l’autre sachant qu’ils tirent avec des armes de guerre.
Cela dit le communiqué nous apprend que cet incident regrettable est arrivé après 62 opérations des gardes-côtes et « ces opérations ont permis d’arraisonner 108 pirogues et d’interpeller 930 pécheurs sans enregistrer d’incidents et sans déplorer de pertes humaines. »
On peut dire bravo ! mais comment se fait-il que l’état mauritanien n’ait pas interpellé les sénégalais pour trouver une solution sécuritaire à deux pour en finir avec ces sorties intempestives ? Il fallait donner l’alerte plus tôt et quand l’incident est arrivé avec les pillages à saint-louis, notre ambassadeur à Dakar aurait dû courir sur les chaînes sénégalaises calmer le jeu et s’expliquer la situation avec les statistiques de l’armée.
On s’étonne que le communiqué ne dise pas un mot à propos de la lutte contre le terrorisme à nos frontières qui oblige toutes les forces sur terre, air et mer à être opérationnelles pour défendre le territoire. Aussi les pêcheurs sénégalais devraient éviter de se mettre en danger car les laisser passer peut donner des idées à des terroristes déguisés.
Cela dit, l’état-major général gagne la communication intérieure car le peuple est à majorité favorable à ce discours ferme et même assez dur à la fin. Aziz lui perd la communication intérieure et extérieure. Ses excuses n’étaient pas utiles avant les conclusions de l’enquête. Des regrets auraient suffi car les excuses impliquent la responsabilité de l’état mauritanien contrairement à une bavure présumée.
VLANE