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un grain de sable pour secouer la poussière...

Images : Aziz s’effondre, Ghazouani s’impose…

Jeudi 28 Novembre 2019 - 22:45

Qui l’eût cru ? Coup de théâtre en une semaine.  Avant le retour d’Aziz en Mauritanie, le mystère demeurait entier pour la majorité des observateurs de la scène politique : qui est le chef ? Aziz ou Ghazouani ? Qui tient qui ? Qui joue à quoi ? Telles étaient les seules questions face à un Ghazouani peu bavard, en retrait des médias, laissant les opposants et les ennemis proches d’Aziz laisser entendre qu’il n’est qu’une marionnette d’Aziz ; un Sidioca Bis.
 
Même les soutiens de Ghazouani commençaient à se poser des questions tant il semblait avaler des couleuvres sans broncher ; les couleuvres glissées dans sa campagne par l’azizanie : fonds bloqués ou livrés au compte-goutte, la présence d’Aziz intempestive jouant les premiers rôles jusqu’aux audios mis en circulation par une main criminelle.
 
Chacun se disait que Ghazouani est otage, l’azizanie le tenant par quelque chose, il donnait l’air d’un captif pris dans la gueule du loup avec la crainte de la morsure fatale. Les nominations des protégés d’Aziz aux postes les plus précieux n’ont fait que donner de l’eau au moulin des questions pénibles.
 
Pour les ennemis de Ghazouani, tout était clair et pour ses soutiens c’en était assez ! Tous attendaient le retour d’Aziz pour en avoir le cœur net.
 
D’abord, Aziz qui rentre en refusant un accueil populaire comme l’UPR sait en déguiser. Là, chacun s'est dit que c’est un retour tactique discret pour ne pas déranger sa marionnette et peser de tout son poids à l'ombre. Cet Aziz était attendu comme le vrai chef d’Etat à tel point qu’une photo de lui, pas à son avantage, postée par un cadre de Mauritania Airlines fier d’être à ses côtés, lui valut d’être viré par une brillante ex-ministre protégée d’Aziz devenue directrice générale de la compagnie.
 
Jusque-là, personne ne pouvait imaginer la suite… Le 28 novembre approchait, il se murmurait que Ghazouani réservait à Aziz la place d’invité d’honneur, ce qui confirmait les questions gênantes…
 
Quand soudain, au lieu de rester discret et jouer de ce pouvoir absolu de l’ombre que les rumeurs lui attribuaient, voilà qu’Aziz débarque à l’UPR avec un aéropage de ministres que Ghazouani a gâtés.
 
Ce n’était pas pour dire qu’il se retire de la politique, le poste de chef de l’UPR étant trop humble pour si grand dirigeant qui a pour amis les grands de ce monde, mais c’était pour déclarer que le parti lui appartient comme les élus en son nom et que celui qui ne le reconnaît pas n’a qu’à en créer un.
 
 

Voilà le début de la chute en plein vol du mythe d’un Aziz encore tout puissant. En entendant ça, chacun s’est dit que les jours de Ghazouani sont comptés puisqu’il n’a ni parti ni élu en plus d’être entouré partout des hommes et des femmes qui doivent tout à Aziz.
 
La suite ne devait être qu’une question de temps : réaction sanguine de Ghazouani contre Aziz, guerre ouverte déclarée, députés frondeurs, armée divisée, crise politique et sécuritaire majeure sur fond de respect des règles démocratiques. Interventions des chancelleries étrangères pour calmer le jeu, manifestations dans les rues, dissolution de l’assemblée par Ghazouani, élections gagnées par l’UPR fidèle à Aziz, Ghazouani désavoué et menacé convoque l'élection présidentielle, Baya ou un autre est élu, Aziz a gagné et attend de reprendre le pouvoir après un mandat ; en attendant, il la joue à la Poutine/Medvedev.
 
Rien de tout ça n’est arrivé car Ghazouani n’a ni le tempérament ni le caractère de Bouamatou, tête brûlée comme Aziz, prêt à foncer dans le tas. Le marabout a su compter sur la culture politique des alliés du pouvoir en général qui, ne sachant trop ce qui se passe et voulant presque tous en finir avec le caractère d’Aziz, se sont empressés de se déclarer fidèles au président élu.
 
Cette sortie des élus de l’UPR et de la majorité présidentielle fut pour Aziz la première douche froide. Il n’avait plus qu’à compter sur l’armée pour créer les conditions de la tension et des divisions. Rien n’est arrivé ou tout a été étouffé dans l’œuf.
 
 

Là, tous ceux qui voyaient en Ghazouani un Sidioca Bis ont commencé à se poser de sérieuses questions. Bouche bée, chacun attendait la suite surtout que le 28 novembre c’était demain.
 
La seule réponse qu’ils ont eu fut le changement de chef du Basep Azizien sans coup férir ; remplacé dit-on par un homme à Ghazouani.
 
La suite fut le second volet de la chute d’Aziz dans l’imaginaire collectif. Après le désaveu des élus de l’UPR, de ses ministres qu’il a tant gâtés, pouvait-il se pointer aux festivités du 28 Novembre sans être méprisé par ceux qui le soutenaient car il incarnait le pouvoir absolu ?
 
C’était fini. Même si Ghazouani lui avait réservé la place d’invité d’honneur, c’était désormais clair qu’Aziz n’avait plus la main pour imposer ses volontés ni à l’armée ni aux élus de la majorité présidentielle ; en plus il semblerait que le protocole du marabout lui avait réservé une place démocratique avec les respectables anciens chefs d’Etat notamment avec pour voisin son poulain de jadis, Sidioca 1er.
 
Aziz n’avait plus qu’à fuir ce 28 Novembre ! Alors que s’il n’avait pas fait sa sortie calamiteuse à l’UPR, il eût été encore craint partout et sa présence le 28 novembre, même assis avec les anciens chefs d’Etat mauritaniens, eût été mise sur le compte de la comédie d’un chef encore tout puissant.
 
Son absence fut un cadeau du Ciel à Ghazouani qui n’avait plus besoin de cet encombrant ami assoiffé de pouvoir malgré tant d’années d’exercice avec le bénéfice considérable d’un pareil règne.
 
Tout ça car Aziz aurait été recalé pour un poste comme médiateur de l’ONU en Libye. Ajib ! Voilà comment on peut ruiner une trajectoire par une sortie à l’UPR.
 
Maintenant quelle va être la suite ? Aziz reste un homme puissant, par ses réseaux et par sa fortune, il n’abandonnera jamais la quête du pouvoir, c’est sa passion. Va-t-il devenir le Bouamatou de Ghazouani et lui déclarer une guerre politique en respectant les règles démocratiques ? C’est possible mais peu probable car il n’a pas la générosité de Bouamatou et ne va certainement pas prendre le risque de perdre sa fortune contre un homme qui tient un état.
 
Ghazouani a montré qu’il ne cherche pas le conflit mais qu’il sait répondre de façon mesurée, indirectement mais efficacement. Le message sera-t-il reçu ? Ni Aziz ni Ghazouani n’ont intérêt à une guerre ouverte, ils y perdraient tous les deux mais Aziz est celui qui risque le plus car ses ardoises nationales et internationales ne se comptent plus comme ses ennemis terribles quand Ghazouani n’a pour l’instant pour seul boulet que d’être son ami et son fidèle soutien depuis toujours.
 

 
 

Quant à l’armée mauritanienne comme les civils du pouvoir, c’est une occasion inespérée de voir que le changement, au moins tous les dix ans, est possible. Un peu comme le régime chinois, cela permettrait d’aller de l’avant car au fond seuls resteraient au pouvoir les serviteurs de l’Etat ; à ne pas confondre avec les serviteurs du bien public, reste que ce serait déjà un pas majeur vers la construction d’un état de droit à moins que cela ne devienne une monarchie militaire apaisée avec la complicité d’une cour de civils démocratiquement élus. Quoi qu’il en soit, c’est mieux qu’une succession de roitelets bornés, ignorants, qui arrivent gonflés, fauchés et ne veulent plus repartir.
 

Quant à Aziz, ne riez pas si vite de le voir ainsi en mauvaise posture. Il n’est pas à plaindre à aucun niveau. Nul ne sait de combien il a profité financièrement après 10 ans de pouvoir absolu mais chacun sait qu’il est loin d’être à plaindre et pour le reste, il a imposé au pays des symboles que des générations entières de mauritaniens feront leurs même les fils d’opposants : un nouveau drapeau, un nouvel hymne national, une nouvelle monnaie après avoir balayé le Sénat.
 
A moins d’effacer tout ça, il est devenu l’égal du père de la Nation Mokhtar Daddah en matière d’empreintes dans l’histoire de la Mauritanie. Ici s’arrête la comparaison car là où l’un s’est efforcé de bâtir un état à partir de rien, l’autre a réussi à se faire un Etat en n’étant rien…

Ahmed Ould Soueid Ahmed 

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