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un grain de sable pour secouer la poussière...

Exclusivement, à mes camarades de l’opposition

Samedi 30 Décembre 2017 - 20:54

J’ai été dégouté, comme tant de mes compatriotes mauritaniens, je présume, à la découverte du texte publié récemment sur  » les dons » intéressés de l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou à une puissance coloniale, qui aurait  dû, se passer de telles largesses. Les compatriotes de cette puissance, qui n’est autre que la République de Française, pays  de rigueur morale légendaire si fortement bien ancrée dans tout ce qui touche à la vie publique, ne sauraient véritablement pas se réjouir de la découverte de cette offrande, fusse-t-elle  »d’une âme désintéressée,  »mue, fusse-t-elle, par un amour avéré pour l’éducation, d’autant plus que ce  »  philanthrope » n’est autre qu’un ressortissant d’un pays sous développé, comme la Mauritanie. Pays, dont le système éducatif fait face à un cumul de défis majeurs, qu’il traine depuis plus de trois décennies. Les décideurs, d’aujourd’hui, de cette ancienne puissance coloniale, devraient, à la lecture de ce texte exiger des comptes de leurs prédécesseurs de l’époque sarkozienne où une certaine Françafrique pouvaient encore espérer  des jours meilleurs devant elle.

Mais alors, il m’importe peu ce que pensent les français. Je suis mauritanien et c’est à plus d’un titre que l’article en question m’interpelle. Et je crois, naïvement, peut-être, qu’il doit interpeller  toutes les bonnes consciences mauritaniennes, celles, d’abord, qui croient encore à un avenir possible pour ce pays.  Comme il doit surtout secouer les consciences inertes de mes compagnons de l’opposition démocratique.

Il m’interpelle, en tant qu’opposant, met en mal ma conscience et m’amène, c’est un devoir que je m’impose, à vous interpeller tous, les Ahmed Ould Daddah, les Mohamed Ould Mouloud, les Jemil Mansour. Vous les militants de la première heure de l’avènement démocratique, vous les éternels chefs de fil de l’opposition démocratique.

Je n’ai pas l’intention de pousser le ridicule et vouloir accorder une prime à l’imposture, en tentant l’inespérable et remuer certaines âmes, parmi vous, aujourd’hui, qui se trouvent, hélas, par effraction de l’histoire, aux premières lignes de l’opposition que vous formez depuis quelque temps. Je pense à tous ces anciens ministres de l’époque de Taya, ses anciens caciques de ce régime, ses anciens fossoyeurs de la République, inutile de me répéter, ils se reconnaissent. Toutes ces personnalités, Messieurs, Daddah, Mouloud, Mansour, que vous avez combattues, fustigées et vilipendées deux décennies, pour le tort qu’elles ont fait subir à ce pays, pour lequel vous n’avez cessé de vous proposer à lui comme alternance. A ceux-là, je ne dis rien, ce cri de coeur ne les concerne pas. Car, ils sont à vos côtés, parce la porte d’en-face leur a été  fermée.  Comme je ne dis rien à l’homme objet de l’article en question, Mohamed Ould Bouamatou. Qui est là où il est, comme ces derniers, parce qu’il a été sevré très tôt par le général, qu’il a soutenu dans l’illégalité, et à qui il s’est opposé quand il a commencé à rétablir la légalité. L’homme ne sait pas coopérer dans le respect des institutions. C’est une espèce d’homme qui pousse mieux dans les périodes du laisser-aller et de l’absence de l’Etat et de l’ordre. Il fait partie, pour moi, et pour la majorité des Mauritaniens, de ces derniers, ses anciens dignitaires d’un régime que vous avez combattu pendant plusieurs années.

Aujourd’hui, vous semblez faire alliance avec cet homme. Vous tirez dans la même direction que lui. Vous défendez ses hommes, vous répétez son discours. Vous lui servez de caisse de résonance. Vous vous êtes, dommage, abandonnés pour lui. Vous vous êtes oubliés, pour lui. Et vous avez oublié vos consciences.

Il me revient, puisque je crois en l’impérieuse nécessité d’une opposition crédible, constante pour son engagement, inébranlable dans ses idées et idéaux,  de vous interpeller sur cette alliance contre nature. Je m’en vais, chers messieurs, vous rafraichir la mémoire, et vous rappeler l’homme  d’affaires qui est en train d’acheter  et donc de saper votre lutte.

                                      

Cet article sur les largesses extra-patriotiques de Bouamatou me suggère un rappel historique du parcours de l’homme.  Cet homme, avec qui vous faites corps et âmes le même combat et que, par ailleurs,  rien au monde ne vous lie, en réalité. Vous le savez mieux que quiconque, que son ascension dans le monde des affaires mauritanien ne s’est  faite, ni grâce au concours de l’héritage d’un patrimoine familial bâti sur de longues années, ni à travers un entreprenariat si bien pensé, savamment réfléchi. L’homme a fait fortune, au cours d’une période, relativement récente, où  la Mauritanie officielle avait érigé le laisser-aller, le passe-droit, le clientélisme combiné au népotisme et la corruption comme mode de gouvernement.

Vous étiez, n’est-ce pas, au cours de cette époque, soit en prison à cause de votre cri de colère contre cette gabegie institutionnalisée, soit dans la rue fustigeant le délitement de la République ! Vous étiez là, en somme, pour dire NON à des pratiques du régime politique  le plus irresponsable, le plus immoral et le moins patriotique de tous les pouvoirs qu’a connus la Mauritanie.

Pourtant, et c’est un peu le ridicule du monde d’aujourd’hui, qui frise toutes les limites de l’indécence, que le Bouamatou se permette, de nos jours, le luxe de jouer l’opposant persécuté, de porter la casquette de l’exilé pour ses opinons, de brandir l’étendard du banni à cause de sa rectitude morale, de s’arroger pourfendeur de l’ordre injuste, lui, le nouvel objecteur de consciences des chefs-d’Etat d’Afrique. Lui, le proscrit pour la noblesse de la cause.   Lui, qui était là, sous Ould Taya, courbant l’échine et léchant les bottes de celui-ci, s’associant et apportant d’affaires, toutes combines, au frère bien-né de la dynastie tayienne.

C’est, chers messieurs de l’opposition, vous qui étiez tout cela à fois, pourfendeurs de l’ordre injuste, proscrits pour la noblesse de votre cause. Auriez-vous conclu un marché, un troc avec votre nouveau partenaire, en lui rétrocédant votre passé, votre histoire ? A quel prix, chers Messieurs, dites-le moi, dites-le à l’opinion publique, aux militants que nous sommes!

C’était, il y a vingt ans. L’homme avait pourtant le bel-âge des idées, celui des rêves, de la lutte, des révoltes, des colères les plus sincères, pourquoi pas, et des humanismes les plus prononcés. C’était il y a vingt-ans! Et il y avait, à cette époque, en Mauritanie, Dieu  le sait, les Mauritaniens le savent, vous, en premiers, à le savoir,  matière pour toutes les indignations. Il y avait de la place, assez, pour tous les pourfendeurs de l’injustice. Le passif humanitaire, cette épine douloureuse, acérée, enfoncée honteusement dans le pied du président Taya; et qui faisait tache noire dans la conscience de ses proches, y compris le Patron des Patrons de l’oligarchie politico-affairiste qui soutenait toutes ses dérives et bénissait toutes ses démences dictatoriales, n’espérait même pas un dénouement salutaire de sitôt.

Bouamatou, pourtant,  »l’objecteur de conscience » d’aujourd’hui, était bien là à cette époque, aux premières loges. Sa conscience n’était habitée par aucun idéal, en dehors de celui de l’enrichissement illicite.  La GBM, la Banque d’affaires, dont il est le principal propriétaire,  naquit justement de sa conscience de l’époque. Une banque d’affaires, dit-on, qui éconduisait, systématiquement, au-dehors de son périmètre privilégié la salle race des fonctionnaires, au moment où d’autres banques de la place ouvraient leurs portes au client le moins nanti. Une banque d’affaires dont la vocation première et dernière était de piller, par des montages financiers grotesques et irresponsables, les maigres ressources de la collectivité.

Cette Banque était connue pour la duplicité de ses comptes. Autant d’interlocuteur, autant de compte. Un compte à bénéfice minoré destiné à un fisc, chapeauté d’évidence par l’un de ses hommes. Un compte à bénéfice majoré destiné à la Banque Centrale, dont le gouverneur ne serait autre qu’un fonctionnaire nommé sous le conseil de cet homme d’affaires, à qui revenait immanquablement la nomination des principaux responsables en charge des postes financiers clés de la République, dont on peut citer, entre autres, le ministre des finances, le directeur des impôts, celui des douanes…etc.

La philosophie de la duplicité des comptes s’opérait également vis-à-vis des sociétés publiques de l’Etat. Chaque société avait droit à un compte créditeur, en parallèle à un compte débiteur. Ses avoirs étaient virés dans son compte créditeur et retirés au besoin du compte débiteur. La banqueroute de la somelec, la Somagaz et bien d’autres établissements publics de portée structurelle était une résultante de cette duplicité au niveau de l’opération encaissement/décaissement.

A cette banque revient encore le maléfique concept de préfinancement. Cette ruse diabolique consistait à préfinancé des projets publics, pour le compte et en connivence, de l’autorité publique. Plusieurs aéroports, dans les capitales régionales sont mort-nés de ce montage diabolique. Vingt ans après, ils ne sauraient accueillir aucun appareil d’aviation. La GBM tenait véritablement tous les secteurs sensibles de la Mauritanie entre ses mâchoires destructrices. Toutes les ventes de produits de pêche à l’étranger se faisaient jusqu’à une date récente par le truchement du compte de la SMCP auprès de la GBM. Elle tenait pour la même occasion tous les opérateurs privés du secteur de la pêche.

Bouamatou avait érigé un gigantesque empire financier, construit illicitement, par des procédés détournés, à partir des richesses du pays.  au détriment d’un  Etat, qu’il s’employait à vider chaque jour de son essence. Personne n’osait barrer le chemin à sa volonté de pilleur de la ressource.

Vous étiez, chers messieurs, à l’époque de l’autre côté à fustiger toutes ces dérives. Ces dérives commises par des hommes, dont votre allié du jour figurait, pourtant,  en tête. Cet allié du jour qui figure, paradoxalement, toujours, en tête, mais cette fois-ci, sur vos consciences, chers camarades de l’opposition,  sur  tous vos projets d’avenir.

Je ne vous reconnais plus chers messieurs.

Opposant Lambda
source futureafrique.com

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