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un grain de sable pour secouer la poussière...

Ciao Ghazouani : mirage ou marge démocratique ?

Vendredi 17 Août 2018 - 18:26

C’est parti ! La campagne électorale est lancée. Côté chiffres et façade démocratique, le pouvoir a de quoi jubiler : 100 partis en lice, des milliers de candidats tous scrutins confondus. Même l’opposition radicale est de la partie car le boycott ne fait plus recette et ne pas participer une fois de plus revient à risquer la dissolution du parti. C’est l’occasion pour certains leaders d’être candidats pour la première fois à une autre élection que présidentielle. C’est le cas pour le président de l’UFP, pour ne citer que lui. Preuve que ces opposants ont toujours été atteints d’une sorte de folie des grandeurs voulant arriver au sommet par catapulte sans jamais passer par l’escalier depuis la base.
 
A voir les guerre à l’UPR pour être investi par le parti, quand on voit que certains osent même n’en faire qu’à leur tête certains d’être élus dans leur fief, quand on voit la ferveur dans les rangs de l’opposition même radicale pour gratter un siège ou deux, on se dit que rien n’est plus démocratique que la république islamique de Mauritanie.  
 
Pourtant certains chiffres auraient dû refroidir quelques ardeurs mais quand la fièvre collective monte la berlue l’emporte. La CENI annonce 1,416 million d’inscrits pendant que l’UPR a annoncé 1,116 million d’adhérents soit 78,81% sans les autres partis de la majorité présidentielle. Que peuvent donc espérer les autres 99 partis en lice ? Rien de significatif juste peut-être de quoi exister à l’assemblée devant la TVM pendant les questions au gouvernement car là, Tawassoul et d’autres ont prouvé qu’un discours percutant pouvait être tenu même s’il ne remue rien sur le terrain. C’est toujours mieux que de ne pas exister du tout sur la scène médiatique.
 
La fièvre électorale s’est donc emparée de tous les acteurs politiques même les éternels seconds rôles et les figurants. La même fièvre que pendant la ruée vers l’or  qui a permis à l’état de racketter les apprentis orpailleurs ruinés depuis : si tout le monde court, il faut courir car tout le monde ne peut pas se tromper. Les voilà donc tous candidats sûrs de pouvoir gratter quelque chose ou juste se faire connaître à l’heure des réseaux sociaux, ce bocal dans le bocal des poissons rouges. Célébrité éphémère, candidature précaire mais l’essentiel est de ne pas rester les bras croisés. Bravo ! Il faut bien commencer l’engagement quelque part même si la majorité des électeurs est inaccessible au discours autre que celui servi par le téléphone arabe ou le parti au pouvoir, représentant de l’état ce premier employeur du pays avec une capacité de nuisance illimitée dont la moindre est la torture psychologique au moyen du salaire éternellement sur le grill.
 
 

Le grand perdant de ce carnaval en noir et blanc où les idées ne valent pas leur prix et leur prix éternellement à marchander, c’est Birame Dah Abeid. Incapable de se contrôler au moins le temps d’être éventuellement élu député, le voilà encore en prison pour des paroles déplacées. Bien sûr que dans un état de droit, il ne serait pas arrêté pour si peu mais c’est à lui de savoir à qui il a affaire et ne rien faire pour donner à ses ennemis un prétexte pour lui couper l’herbe sous les pieds. Le voilà en prison.
 
A ce jour aucune chancellerie étrangère, habituée à s’inquiéter de son sort, n’a dit un mot, pas même les USA pourtant les seuls à pouvoir dire et faire ce qui leur plaît sans craindre l’ire du pouvoir souvent réservée à la France en matière de droits de l’homme.
 
On comprend mieux, avant cela, la sortie intempestive de la diplomatie Mauritanie contre le Canada soi-disant en soutien à l’Arabie Saoudite. C’était pour dire aux étrangers en Mauritanie de s’occuper de leurs affaires. Cela a marché au-delà des pronostics de l’esbroufe. Pas un mot comme si chacun était tenu par quelques intérêts économiques ou sécuritaires. Les espagnols sont contents de voir la Mauritanie freiner le flot de migrants en pirogues vers Las Palmas cette capitale économique de la Mauritanie, en plus de quelques licences de pêche, les français ne peuvent se passer de la Mauritanie au G5 Sahel, les autres démocraties ont quelques contrats sur place et savent qu’en matière de contrats chacun pour soi.
 
Amnesty international peut continuer ses communiqués qui ont le mérite d’exister mais en touchent une du régime sans faire bouger l’autre comme disait Chirac.  RFI est pleine d’entretiens de 10 min où des avocats, des associations des droits de l’homme se plaignent du régime mauritanien jusqu’à ce que le journaliste leur rappelle leurs liens financiers douteux avec un célèbre homme d’affaires opposant en exil. Même Human Rights Watch ont été atteints de la sorte.
 
Le régime azizien a donc repris en main non pas la petite communication médiatique qui arrive à peine aux oreilles des électeurs des vieilles démocraties mais ce qui a toujours fait sa réussite à savoir des liens fondés sur des intérêts économiques et sécuritaires, comme autant de corruption potentielle, avec la possibilité de pencher vers le concurrent direct de tout état qui oserait se montrer trop regardant sur les affaires intérieures de la Mauritanie.
 
Même les USA savent que le pragmatique régime azizien peut se tourner vers la Chine sans que cela n’affecte en rien son régime sauf à braquer Trump contre lui mais encore faut-il qu’il apprenne que la Mauritanie existe. De toute façon même les USA ont leur part du gâteau diplomatique azizien car, comme l’a rappelé l’ex ambassadeur américain, ils sont les premiers investisseurs dans le G5 Sahel même s’ils sont discrets et rien de militaire dans le coin ne se fait sans leur soutien pour ne pas dire leur aval.
 
 

Et le peuple mauritanien dans tout ça ? Pour majorité illettré et pauvre, n’ayant quasiment aucun accès aux médias sinon la télévision d’état vu le faible taux de pénétration d’internet, ce peuple vit comme il peut en avalant tout et n’importe quoi. Par nature ce n’est pas un peuple révolutionnaire prêt à donner sa vie pour une cause quelconque encore moins le faire pour son voisin ou les générations futures ; cela demande une certaine capacité de projection et de sacrifice que même l’élite mauritanienne n’a plus.
 
Le fameux peuple souverain est là, tout le monde ne parle que que lui mais personne ne le voit jamais sinon dispersé vaquant à la survie au quotidien, racketté directement ou indirectement par les taxes et les impôts comme les serfs de la belle époque féodale. La classe moyenne, quant à elle, a été appauvrie au risque sous peu d’être clochardisée. Elle passe son temps à essayer de sauver les apparences. Ne reste qu’une poignée d’agités de « l’élite » sans qu’on sache s’ils s’agitent car ils sont marginalisés par le pouvoir qu’ils aimeraient bien servir comme d’autres  en trahissant les leurs ou si c’est juste par une sorte d’idéal naïf sans racine, ni tronc solide, ni ailes sinon imaginaires. 

On dirait plutôt des sacs en plastique qui volent un peu partout en fonction du vent politique du moment. On y trouve bien sûr quelques idéalistes sincères mais de moins en moins et ils le sont souvent par jeunesse car ceux qui ont passé la quarantaine ne croient plus vraiment au changement possible sauf à agiter la masse des hratines en espérant, après le chaos hypothétique, rafler la mise en troisième larron comme cela arrive souvent.
 
 

Bref : en Mauritanie culturellement tout va pour le mieux vu l’univers intellectuel de la majorité et l'habitude de  l’injustice héritée des temps premiers et remise au goût du jour en dépoussiérant sans complexe la pyramide des privilèges qui loin de choquer nourrit l’envie.
 
Côté démocratie aussi : tout va pour le mieux vu que tout le monde court faire campagne et que personne ne sait quoi faire face au véritable mal qui mine ce pays à savoir le suffrage universel direct livré à ce peuple comme un bond du moyen-âge à la 5ème république française.
 
Le processus démocratique bat donc son plein qui vaut ce que vaut la référence. Ne semble tenir debout que l’administration mal payée en attendant une retraite de misère mais toujours prête à servir le chef du moment ; chef qui n’a vraiment requinqué que les forces de sécurité car elles seules ont les moyens de lui imposer leur politique ; certainement pas ces civils paumés ou illuminés, ne jurant désormais que par le tribalisme et le fanatisme religieux.
 
Demain dès les résultats connus, comme d’habitude les uns crieront à la fraude atavique comme si leurs troupes représentaient encore quelque chose de significatif alors qu’ils sont incapables de faire reculer l’état sur rien. Rien ! D’autres de l’opposition seront satisfaits d'avoir eu quelques places même si c’est pour faire de la figuration notamment à l’assemblée à base d’incantations qui vont égailler les réseaux sociaux un jour ou deux, d’autres se féliciteront de la victoire éclatante du parti au pouvoir et ses alliés comme s’il y avait un mérite quand on tient l’état, l’économie et qu’on fait payer à tout fonctionnaire son engagement dans l’opposition.
 
Il ne reste plus qu’à attendre 2019 : Aziz reviendra en PM d’un régime parlementaire. Il n’y a que ça qui puisse justifier toute cette agitation à l’UPR, les sorties du porte-parole sans parler d’Aziz qui invite désormais ceux qui veulent qu’il reste à voter UPR soutenant ainsi les partisans du parjure. 
 
La dynamique est lancée. Aucun risque d’avoir un problème avec le futur wogave comme ce fut le cas avec Sidioca car l’assemblée pourrait le balayer. C’est donc plus facile.
 
Certains parlent encore de Ghazouani. J’avais misé sur cette relance, mais il faut croire qu’il va à la retraite car je n’imagine pas une seconde Aziz soutenir sa candidature vu qu'avec lui, Aziz ne reviendrait plus jamais or Ghazouani ne peut pas se présenter sans son soutien au risque d’une guerre ouverte comme l’armée mauritanienne n’en a jamais connue.
 
Ceux qui connaissent Ghazouani en parlent comme de quelqu’un ayant la tête sur les épaules et veut la paix.
 
Aziz peut donc dormir tranquille et continuer à faire de la Mauritanie ce que bon lui semble et ce, démocratiquement avec le soutien des élus du fameux peuple souverain…
 
 
VLANE

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