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un grain de sable pour secouer la poussière...

5H du matin à Nouakchott : rencontre d’un autre type avec une diva aux urgences

Jeudi 23 Août 2018 - 18:25

Quelques jours avant la fête, les grands patrons et même les petits ne sont plus joignables par le commun des mortels. Ceux qui le peuvent, prennent la fuite le plus loin possible pour éviter de répondre à toutes les sollicitations de l’entourage surtout professionnel car finalement ça coûte cher d’être à l’abri du besoin en ces jours de fête.
 
Sans être patron, j’ai juste voulu fuir la campagne des tentes fantômes avec cette sono à fond insupportable même quand on sort faire des courses ou juste pour faire du sport. Tout se passait à merveille au bord de la mer jusqu’à la petite fringale de minuit, attisée par la nage et l’air marin. Au hasard, je vois cette boîte à gâteau qui semble sortir de nos meilleures pâtisseries. J’ouvre, sans trop distinguer ce qui s’y trouve à part des tranches de pizzas, je prends une petite fataya qui me semble faire l’affaire. Puis un truc en forme de rouleau de printemps chinois. C’est tout.
 
Deux heures plus tard, tranquillement assis autour du feu, je sens comme une gêne, puis une heure plus tard une nausée supportable. Je résiste 30 minutes de plus puis de nouvelles sensations me font comprendre que tout ce qu’il y a à faire c’est, excusez l’image, aller vomir tout simplement car c’était dû à ces fatayas. Croyant que ça suffirait, je suis allé me coucher mais là je fus pris de vertiges et d’autres nausées plus terribles qui m’ont obligé à réitérer l’exercice pour me libérer mais cela n’a pas suffit car même le ventre creux, la nausée revenait plus engagée, accompagnée d’un malaise.
 
Vu que nous étions à 20 minutes du centre-ville je n’avais rien apporté dans la trousse de premiers soins au cas où. J’ai décidé d’aller aux urgences d’une clinique privée, la plus proche où j’étais sûr de trouver un médecin même endormi.
 
Le trajet fut comme interminable, je comptais les secondes et les carrefours me demandant si je pourrais arriver ou si j’allais m’arrêter demandant à un frère de venir me récupérer. En plus m’étant ensablé au départ, j’avais les pneus à plat comme un tank et je craignais qu'au moindre virage un pneu n’éclate vu la vitesse et le poids de la machine.
 
J’arrive à la clinique, mon petit frère est là. On réveille le médecin qui a passé là le jour de fête. A ma tête, mon souffle coupé, la tachycardie, la nausée, il dit comme l’infirmier «  bismillahi rahmani rahim ». Il prend ma tension, normale. Ça le rassure, pas de fièvre, ça le rassure encore. Je lui explique, il comprend l’intoxication alimentaire. Il envoie l’infirmier prendre le nécessaire pour le goutte-à-goutte et retourne se coucher car il n’avait manifestement pas affaire à quelqu’un du sérail qui aurait le bras le long. En effet quel maure à la barbe blanche serait, un jour de fête, habillé comme un marchand ambulant sénégalais, les pieds pleins de sable, comme à l’article de la mort sans personne de la famille sinon un frère ?
 
Dans mon état critique et me voyant seul avec un infirmier qui essaie de me perfuser avec l’expression d’un chirurgien qui pratique pour la première fois une transplantation cardiaque sur une personne ayant déjà un pied dans l’au-delà ou un astronaute qui doit arrimer, sans l’aide de l’ordinateur de bord, sa navette à la station spatiale internationale, j’essaie d’appeler les médecins amis pour savoir que faire vu que le médecin est allé dormir.
 
Bien sûr tous les téléphones sont en mode silencieux surtout un soir de fête pendant la campagne électorale. J’étais tellement ko que j’ai dû donner les coordonnées à mon frère, au cas où ça dégénère, pour qu’il puisse retourner à la plage voir les autres avant que le petit ne se réveille.
 
 

C’est alors qu’on entend du bruit dans le couloir. Manifestement tout un monde avec des femmes qui réclament vite un médecin. Dans mon état, je me dis que j’espère qu’un mourant ne va pas venir me tenir compagnie en sang. Je retiens ce qui me reste de souffle et soudain je vois arriver doucement une vieille dame en fauteuil roulant avec des jeunes femmes, des jeunes hommes, une dame et un homme d’âge mûr.
 
A l’expression de la grand-mère, à la voir assise qui s’exprime normalement, je comprends que ça doit être une fausse alerte, un peu de peur comme cela arrive souvent. Le médecin réveillé comme jamais rend son verdict « tension de 9 », excellente pour son âge.
 
Quant à moi l’effet des différentes solutions commence à m’apaiser. On commence les amabilités d’usage entre patients pour se donner du courage, chacun essayant de minimiser ce qui arrive à l’autre et moi étant l’homme je dois aussi sourire comme je peux pour prouver que ça va mieux ; rien de mal juste une intoxication alimentaire.
 
L’homme d’âge mûr avec une mine de candidat des partis de la majorité, voyant que je ne suis pas en habit de fête et que je déclare venir de la plage, estima que c’étaient à coup sûr les fruits de mer. Il ne pouvait pas imaginer que c’étaient des maudites fatayas. Les jeunes femmes, sur leur 31, me voyant sourire la main sur le ventre et ayant compris qu’il s’agit d’une intoxication, ont commencé à sourire car pour elles sans le dire, j’étais « metkhoum » à tous les degrés c’est-à-dire que j’avais, comme disent les oualofs, « le ventre qui court » alors que c’était juste des vomissements et non autre chose.
 
Pendant que j’échangeais des formules de politesse avec l’ancien, les jeunes filles qui me regardaient en lui tournant le dos ont dû remarquer chez moi une gêne et des expressions du maure qui ne collaient pas avec cet accoutrement un jour de fête. Leurs yeux s’allumèrent comme un scanner, j’étais pris, elles ont alors voulu discuter en plaisantant pour me réconforter mais comme j’étais en mauvaise posture de santé et considérant ce qu’elles croyaient savoir de mon état, j’ai compris qu’il fallait mieux ne pas faire attention à leurs appâts et continuer à discuter avec l’ancien.  Elles ont compris qu’il ne fallait pas insister.  L’une tenait une feuille de la CENI avec tous les logos pour indiquer le numéro de son parti et j’ai compris ensuite qu’elle est candidate à la députation.
 
En écoutant la discussion entre la grand-mère et une dame qui lui disait «  les médicaments que je t’ai rapportés de Las Palmas » et en entendant que la vieille souffrait de «  mejeubneu », j’ai cru bon de dire à l’ancien qui semblait le savant de la famille qu’il fallait mieux éviter l’Ibuprofène quand on a des problèmes de meujeubneu et privilégier le paracétamol car elle semblait prendre de l’ibu depuis longtemps. Il a fallu que le médecin présent acquiesce pour qu’ils réalisent que la science de l'ancien n'était peut-être pas étrangère à leur présence en ces lieux.
 
Dans un état second, j’ai alors entendu parler d’un médecin de Las Palmas, j’ai cru que la vieille venait de là, et à cause d’une certaine expérience à Barcelone et plus jeune à Las Palmas, et surtout biyeu teurcheu, j’ai dit pour les conseiller qu’il n'y a pas de médecins là-bas et qu’ils feraient mieux d’aller au Maroc ou au Sénégal. Heureusement la vieille ne m’a pas entendu et le silence se fit dans la pièce. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que la vieille devait aller à Las Palmas le lendemain.  La dame, certainement sa fille, qui semblait être la grande dame de l’équipe avec ses enfants, maris et femmes, m’a alors lancé avec un sourire énigmatique des mots dont le sens deymanien m’a complètement échappé mais voyant toute la famille sourire avec retenue, j’ai compris qu’il s’agissait d’un trait spirituel sans savoir si c’était à mes dépens ou ceux du médecin espagnol.
 
J’ai alors souri bêtement n’y comprenant rien comme un guerrier fatigué qui encaisse une pique venant d’une femme qui ne sait pas à qui elle parle. A mon expression, elle n’a pas dû saisir que je ne comprenais pas le trait mais elle a dû se dire qu’il a l’élégance du silence poli. En d'autres termes, elle m'a fait taire, ce qui est l'ultime victoire dans son milieu.
 
Pour me rattraper j’ai expliqué que la vieille n’avait rien de plus que son âge. Sa tension était formidable et le reste est le fruit de la peur. L’ancien me dit en parfaite intelligence « oui la peur de la blouse blanche » ; L’incident de l’ibu était avalé.
 
Le médecin faisait des allers-retours entre la vieille et moi depuis que j’ai sorti ma carte pour qu’il sache qu’il a affaire à un journaliste histoire qu’il ne retourne pas dormir. Finalement la famille a dû repartir avec la vieille enfin rassurée.
 
Arrivée à mon niveau, la grand-mère m’a regardé avec un regard de reine en parfaite santé, le regard clair et brillant pour prendre de mes nouvelles avant de partir. Elle m’a souhaité chiva inchallah comme toute la famille un à un passant devant moi.
 
Quand je fus certain qu’ils étaient partis, j’ai appelé l’infirmier pour lui donner un pourboire car il avait réussi à me mettre la perfusion sans rater la veine et qu’il est resté présent pour suivre le goutte-à-goutte. J’en ai profité pour lui poser une question car quelque chose me gênait dans le regard de la dame, la fille de la malade. Elle semblait comme étonnée par mon comportement comme si j’aurais dû normalement la reconnaître.
 
C’est alors qu’il m’a appris que c’était telle grande diva que je connaissais de nom et sa famille.
 
J’ai regardé l’heure pour retourner vite à la plage avant le réveil de mon garçon. J’allais un peu mieux mais pas tant que ça, assez en tout cas pour reprendre la voiture. Mon frère m’a donné le traitement prescrit et j’en ai profité pour poser quelques questions au médecin pour comprendre pourquoi on trouve toujours les médecins aux urgences en train de dormir. Il m’a alors expliqué que son tour de garde était de 24H ! Incroyable. Au maximum ça devrait être 12h. Comment être opérationnel H24 ? C'est même dangereux. Pour dédouaner la clinique, il m'a dit qu'ils ont pris soin de lui et fait ce qu'il faut un tel jour de fête.
 
Je l’ai remercié pour son courage et sa disponibilité et j’ai repris la route vers la plage avant de rentrer chez moi où m'attendait une autre aventure avec la Somelec incapable de faire revenir le courant sans mettre en danger les appareils de tous les mauritaniens obligés d'éteindre tous leurs stabilisateurs à chaque coupure.
 
 VLANE

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